Flâneries foyalaisesHélène Clément [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Hélène Clément
Arrivée de la course du Tour de la Martinique des yoles rondes, à Fort-de-France.
L’objectif, avec les transformations que subira la ville au cours de la prochaine décennie,
est de reconquérir l’espace urbain et de faire de la capitale de 100 000 habitants une ville
d’imagination, capable d’épanouir la personnalité collective d’un peuple venu de partout. Le centre-ville de Fort-de-France se refait une beauté: élargissement des trottoirs, création de zones piétonnières, ravalement des façades, mise en scène de l'éclairage nocturne, créations florales, mise en valeur des sites patrimoniaux... et plus encore! Quartier branché qui sort de terre près de la pointe Simon; aménagement du Malecon, une promenade de quatre kilomètres en front de mer; réfection de la place de la Savane. Son objectif: faire de la capitale martiniquaise l'une des plus belles villes de la Caraïbe. D'ici 2020!
Fort-de-France — De la rocade qui contourne Fort-de-France, on observe à flanc de montagne une agglomération inesthétique de maisons, celles du quartier défavorisé de Trénelle. Pas de rues dans ce secteur, que des impasses et un escalier rectiligne comme unique axe qui pénètre dans le faubourg de bas en haut dans un enchevêtrement d'habitats privés dégradés. Quartier sensible, issu de l'exode rural des années 1950 et de 1980, au plus fort de la crise sucrière.
Trénelle n'est qu'un quartier parmi les quatorze déclarés insalubres que la municipalité a entrepris de réhabiliter. «Les détruire reviendrait à nier notre histoire», affirme, lors d'une entrevue accordée au Comité martiniquais du tourisme, Serge Letchimy, député de la Martinique, président du Conseil régional et ex-maire de Fort-de-France qui a succédé à Aimé Césaire en 2001. «Je suis moi-même un enfant de ces "bidonvilles", comme on les appelle en Europe, dit l'urbaniste de formation. Je crois que c'est en apprenant à lire la ville que l'on comprend la société urbaine. Il faut réhabiliter ces quartiers. Il s'agit d'une architecture vernaculaire qui possède ses richesses culturelles, communautaires et sociales.»
«Sale, décrépie, étouffante, décadente et dangereuse: Fort-de-France serait une capitale ratée, selon le Géo Guide sur la Martinique, édition 2003-2004. S'ajoutent l'omniprésence de la voiture dans les rues étroites, le désintérêt consternant des Foyalais pour leur habitat, le manque d'entretien des bâtiments.» Un peu cuisant comme portrait, mais pas faux. On pourrait ajouter la circulation dense aux heures de pointe, l'absence de terrasses pour prendre un pot et l'état léthargique de la capitale les jours de semaine dès 17h et le week-end à partir du samedi midi.
Résultat: les touristes en vacances n'y viennent que pour quelques heures en semaine, le temps de photographier la bibliothèque Schoelcher et la cathédrale Saint-Louis, d'y faire des emplettes, de visiter le Musée départemental d'archéologie et de préhistoire et de s'imprégner de l'ambiance du grand marché aux épices, sans y rester, ne serait-ce que pour une nuit.
Bien dommage, vu sa situation géographique unique, à mi-chemin entre le nord montagneux et le sud balnéaire, au pied des pitons du Carbet et au creux d'une immense baie qui aspire à rejoindre le club des plus belles baies du monde. Étant donné aussi son histoire fabuleuse, depuis la construction de Fort-Royal, en 1667, lors de l'importation d'esclaves africains, l'arrivée des premiers travailleurs indiens (Koulis), chinois et plus tard de commerçants syro-libanais; sans compter l'exode et l'apparition des premiers quartiers populaires, dans la nouvelle capitale, après l'éruption de la montagne Pelée en 1902, et l'arrivée d'Aimé Césaire à la mairie en 1945.
Les grands projetsFort-de-France possède un potentiel touristique, historique, architectural, culturel et gastronomique étonnant. Reconquérir l'espace urbain et faire de cette ville de 100 000 habitants une ville d'imagination, capable d'épanouir la personnalité collective d'un peuple venu de partout, tel est l'objectif! La mairie a donc pris le taureau par les cornes et s'est engagée pour une dizaine d'années dans un ambitieux projet de rénovation qui revitalisera tout le centre ancien de la capitale depuis la pointe Simon à l'ouest de la baie des Flamands jusqu'au vieux fort Saint-Louis à l'est: remise en valeur des immeubles, des commerces, des maisons, des sites patrimoniaux (forts Tartenson, fontaine Gueydon, parc Floral), du front de mer... et ça bouge!
Le projet du centre commercial de la cour Perrinon, sur l'esplanade, tire à sa fin: 22 000 mètres carrés de commerces, un centre d'affaires et un stationnement de 640 places. Celui du quartier des affaires de la pointe Simon va de l'avant: tour de bureaux et de commerces de vingt étages, hôtel quatre étoiles, logements de luxe. Et l'on est en train de créer un port de plaisance à l'étang Z'abricot de plus de mille places, avec une plateforme de construction et de réparation navale.
Comme un roman En attendant la fin du chantier, qui devrait donner à Fort-de-France les traits d'une capitale créole, française et moderne, renforcer la sécurité dans «l'En-ville» et conduire à une programmation soutenue d'événements culturels accessibles, c'est dans le détail que l'on devrait aborder la capitale. «Pour apprécier Fort-de-France, il faut connaître son histoire», pense le maire de la ville, Raymond Saint-Louis-Augustin, celui qui a remplacé Serge Letchimy, le 7 avril 2010.
Fort-de-France est une encyclopédie. On lit son histoire en scrutant les cases, les maisons en bois ornées de fer forgé et celles en béton. «Qui avait peur des tremblements de terre, levait maison en bois. Qui craignait le cyclone ou se souvenait du feu, levait maison en pierre. Après cyclone ville de pierre. Après terre bondissante? Ville de bois... Tu fais l'En-ville, par ce que tu y mets», écrit Patrick Chamoiseau dans Texaco. Ce roman, qui a valu à l'écrivain martiniquais le prix Goncourt 1992, constitue une belle initiation à l'odyssée urbaine et humaine de la capitale.
Texaco est aussi le nom d'un quartier de Fort-de-France bâti au siècle dernier autour de réservoirs appartenant à l'entreprise pétrolière Texaco. Quant au roman, il raconte l'histoire de la Martinique depuis le XIXe siècle, les souffrances de trois générations: sous l'esclavage, durant la première migration vers l'En-ville et l'époque actuelle. «L'évocation d'un monde rural parti à la conquête d'un mieux-être qui ne peut se situer qu'à la ville ou à sa périphérie.»
L'histoire de Fort-de-France se lit aussi à travers les noms de rue. La rue Antoine Siger (maire de Fort-de-France en 1907, assassiné en 1908) fait partie des premières rues commerçantes du centre-ville. On y vient pour ses tissus: cotonnades vives, madras colorés, soieries. On y vient aussi pour ses bijoux. La bijouterie Thomas de Rogatis, au 22, rue Antoine Siger, est une bonne adresse. On a envie de boucles d'oreilles? Il y a les pommes-cannelles, les tétés-négresse, les zanneaux-chenilles, les grappes de vigne ou les pierres noires. On préfère un collier? Le choix est grand: collier-corde, collier-chou, mailles-concombre, gros-sirop ou chaîne-forçat.
Le Malecon, ou boulevard Alfassa (du nom du gouverneur de l'époque), aménagé en 1934 à la suite de la réalisation de travaux d'endiguement, relie la plage de la Française à la pointe Simon. Ce boulevard de front de mer longe la gare routière des taxis collectifs, ces fameux «taxicos» qui assurent les transports interurbains. On y est à l'étroit, c'est un peu lent, mais ça fait le boulot.
Rue Victor Schoelcher, du nom du sous-secrétaire d'État à la Marine et aux Colonies lors de la révolution de 1848, et qui signe le 27 avril 1848 le décret définitif de l'abolition de l'esclavage. Rue Victor Hugo, du poète français. Génial pour le magasinage de luxe, pour une initiation à la cuisine locale, pour y savourer un jus de canne à sucre, un gâteau coco, un Amour caché.
L'Impératrice est une adresse à considérer pour un séjour à Fort-de-France. Situé en plein coeur du centre-ville, face au parc de la Savane non loin du front de mer fraîchement réaménagé par la municipalité en terrain de jeux pour la famille, l'hôtel-boutique offre 22 chambres entièrement rénovées, chacune dans un style différent qui rappelle les différentes ethnies de la Martinique: européenne, africaine, indienne, chinoise, amérindienne. Quant à la terrasse, les propriétaires lui ont donné un style oriental en souvenir des Syriens, également venus nombreux.
«Le bâtiment date de 1957 et a été bâti par mes parents, Charles et Fernande Glaudon, explique la propriétaire. Ce fut le premier immeuble de cinq étages en ville, le premier aussi à offrir un ascenseur et le seul hôtel moderne avec salle de bains dans les chambres.» La particularité de cet hôtel — outre son mobilier créole magnifique, ses buffets à battants, ses lits à colonnes tournées, ses carreaux d'origine et sa collection d'objets insolites — est tout simplement l'absence de coins!
«Mon père, qui était pharmacien, aurait bien aimé être dans la marine. C'est pour ça qu'il a donné un air de navire à l'hôtel. C'était une architecture avant-gardiste à cette époque, où l'on venait de découvrir en Martinique le béton armé.» Beaucoup de balcons, des pièces arrondies et des baies vitrées. L'Impératrice fut le premier hôtel moderne de la Martinique et l'un des seuls à avoir une terrasse. On y vient entre autres pour son très bon buffet créole le jeudi midi.
C'est le matin tôt qu'il fait bon découvrir Fort-de-France, au moment de l'éveil des marchés. Les habitués connaissent bien le grand marché aux épices de la rue Antoine Siger avec ses doudous qui interpellent les touristes, mais moins le marché aux fruits et aux légumes du boulevard Allègre. Encore plus authentique, car ici ce ne sont pas des revendeurs, mais des agriculteurs venus de la campagne. À côté, le marché aux poissons. On y vend uniquement les prises du jour que les pêcheurs viennent livrer au quotidien en yole via la rivière Madame.
À Fort-de-France, dans le quartier de Terres-Sainville (jadis appelé quartier des Misérables), angle de la rue Voltaire et du Vieux Chemin, le bistro Nectar est une bonne adresse. Le vendredi soir, les habitués de la place, des amis d'enfance musiciens dans l'âme, se réunissent en toute simplicité pour un «boeuf musical» (pot-pourri de musique) dans une ambiance martiniquaise d'antan. Biguine, mazurka, quadrille, zouk... leur musique prend aux tripes!
Qui a dit que la Martinique n'est qu'une destination soleil?
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En vrac- Air Canada assure à l'année la liaison directe vers Fort-de-France, tous les samedis.
- Le site Internet de la Ville de Fort-de-France:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]- Le site du guide interactif de Fort-de-France, dont l'objectif est de vous guider à travers le centre-ville en indiquant tous les secteurs d'activité:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]- Le site du Comité martiniquais du tourisme au Canada:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]- Téléchargée sur votre iPhone l'application iMadinina, qui vous permettra de préparer votre voyage: 454 adresses d'hébergement, de restaurants et d'activités.
- L'hôtel Impératrice est une bonne adresse à Fort-de-France. Il est situé à proximité de la place de la Savane, un grand parc avec de magnifiques arbres, joliment illuminé le soir. De là on peut découvrir le centre-ville de la capitale à pied et se balader le soir le long de la jetée. En moyenne (selon la haute ou la basse saison), environ 165 $ en occupation simple et 190 $ en occupation double. Petit déjeuner compris. 15, rue de la Liberté, 011 596 596 63 06 82.
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Un petit creux? Les snacks du grand marché aux épices pour manger créole à la bonne franquette entre deux emplettes. Mon favori? Chez Carole. Elle est adorable, souriante et cuisine un excellent poisson sauce chien. Plus chic, Le Foyaal, en compagnie du chef Benoît Dang, qui a fait ses armes auprès de Michel Guérard et de Bernard Loiseau:
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Les incontournables de Fort-de-FranceLa cathédrale Saint-Louis-de-France, célèbre pour ses orgues et ses vitraux.
Le Musée régional d'histoire et d'ethnographie, pour se plonger dans l'univers bourgeois colonial du XIXe siècle, boulevard Général-de-Gaulle.
La bibliothèque Schoelcher, rue de la Liberté, à deux pas de l'hôtel Impératrice. Le bâtiment, en structure métallique, a été construit pour l'Exposition de 1889 à Paris et transporté après pierre par pierre à Fort-de-France.
Une balade dans la rue Perrinon, en se rendant au centre commercial de la cour Perrinon, pour y photographier de jolies maisons créoles, style coloré.
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Quelques circuits proposés par l'Office de tourisme de Fort-de-France.
«Ville d'histoire» raconte la ville-capitale. On y découvre des personnages marquants, des monuments atypiques, des enseignes célèbres.
«Luxuriance tropicale» propose une escapade au cours de laquelle on découvre de magnifiques espaces verts, des sources d'eau, des panoramas spectaculaires et un zeste d'architecture créole: l'église du Sacré-Coeur de Balata, le jardin de Balata, le quartier de Didier, la fontaine Gueydon...
«Balade nautique», le long des rivages foyalais: front de mer, quartier Texaco, pointe des Nègres et son phare, grotte aux Chauves-souris, îlet Ramier, étang Z'abricots... Fort Saint-Louis depuis la baie des Flamands;
«splendeurs d'églises, chemins d'églises foyalaises»: place Monseigneur Roméro, chapelle du Calvaire, église Notre-Dame-du-Rosaire, église Immaculée-Conception-de-Bellevue...
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À votre agenda- Le festival de Fort-de-France, du 9 au 22 juillet 2010. L'événement culturel est dédié à Pierre Aliker (entre autres, bras droit d'Aimé Césaire à la mairie de Fort-de-France pendant plus d'un demi-siècle). La grande fête mêle danse, musique, théâtre et expositions. Une occasion de découvrir l'art martiniquais et d'ailleurs.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]- Vakan's en nord (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]). Tout l'été en Martinique: 60 journées d'animation en continu pour découvrir le nord de l'île, un voyage à travers la culture martiniquaise. Pour en savoir plus, contacter Patrick Duchel, président du réseau Tak Tak, un club d'entrepreneurs et de villes en réseau pour le développement d'un tourisme solidaire:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]; 011 596 596 6913 69 ou 011 596 696 20 49 05.
- Le 26e Tour de la Martinique des yoles rondes, du 1er au 8 août 2010. Un spectacle haut en couleurs. Les yoles sont d'élégants bateaux de bois surmontés de voiles carrées. Un pur produit local.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]- La 29e édition du Tour cycliste international de la Martinique, du 10 au 18 juillet 2010. Le parcours compte de nombreux plateaux et côtes et des routes sinueuses.
- Le mois gastronomique de la Martinique à Montréal, «Martinique gourmande», est de retour pour une troisième édition, du 19 août au 19 septembre 2010. Une quinzaine de chefs québécois vous proposent des mets aux saveurs et aux couleurs de la Martinique. Une bonne façon de s'initier à la culture et à la gastronomie du pays.
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À lire: Le Petit Futé, le guide du Routard, le Géo Guide et le guide Ulysse sur la Martinique. Et finalement, mais non le moindre: le roman Texaco de l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau. Un must pour mieux comprendre Fort-de-France.
Source:
Le Devoir