L'île papillonCaroline Montpetit [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Martin Bureau AFP
À la Pointe des Châteaux, on prend le pouls de la Guadeloupe, on mesure la
fureur de la mer qui vient se fracasser sur les caps. Les noms des deux ailes guadeloupéennes viennent de la marine et de leur position par rapport au vent.
Vue d'en haut, la Guadeloupe a la forme d'un papillon aux ailes différentes. Du côté gauche, à l'ouest, c'est Basse-Terre, essentiellement volcanique, en haut de laquelle le volcan de la Soufrière exhale ses émanations de soufre. Basse-Terre se déploie sous une jungle épaisse, nourrie de l'eau claire des rivières. Tout en relief, malgré son nom. L'aile droite du papillon, c'est Grande-Terre, l'île calcaire. Plus sèche, plus plate que sa voisine, et bordée de plages au sable plus blond. Paradoxalement, Basse-Terre est en altitude alors que Grande-Terre est couchée, sans relief.
Basse-Terre — Les noms des deux ailes guadeloupéennes ne se rapportent pas à leur description physique mais viennent de la marine et de leur position par rapport au vent. Au centre, entre les deux îles, Pointe-à-Pitre, la capitale. Son appellation viendrait de la francisation de Pointe à Peter, du nom d'un commerçant hollandais, exilé du Brésil, qui y aurait établi un marché de poisson au XVIIe siècle.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Dominique Chomereau-Lamotte AFP
Au marché de Pointe-à-Pitre. C'est sur la Basse-Terre que nous avons établi nos quartiers, à la faveur d'un long échange de maisons, une valeur absolument non négligeable dans ce département français d'outremer où l'on dit que le prix des denrées triple à leur simple arrivée sur les côtes de la Guadeloupe.
À l'arrivée, un bref séjour tout de même au Club Med de Sainte-Anne, niché sur l'une des belles plages de l'île, où l'accueil des enfants est toujours remarquable: c'est l'une des marques de commerce des Club Med. Cirque, trapèze volant, initiation à la voile proposent d'occuper le petit, à moins qu'il ne préfère participer à un spectacle ou à un concours de châteaux de sable, pendant que papa et maman s'adaptent doucement au nouveau climat, préférablement un verre à la main, avant de repartir à la conquête des lieux.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Martin Bureau Agence France-Presse
Une vue partielle de la baie de Sainte-Anne. Aux confins de l'île, où l'on peut observer au loin les îles battues par les vents de la Désirade et de Marie-Galante, et même par temps clair l'île de la Dominique, il faut visiter la Pointe des Châteaux. On y prend le pouls de la Guadeloupe, on y mesure la fureur de la mer qui vient se fracasser sur les caps.
Puis on grimpe tout là-haut, sur la butte du Morne Pavillon, où des fidèles viennent déposer des lampions pour implorer les saints de satisfaire leur requête, aux côtés de la croix dont les marins se servent comme repère.
C'est ainsi que la Guadeloupe se présente à nous, alternant les caps sauvages et les plages accueillantes, mêlant un passé douloureux d'esclavage et un présent en réflexion sur lui-même. 80 % de la population actuelle est descendante de ces esclaves qui y ont usé leur vie dans les champs de canne à sucre. Au petit musée à la mémoire de l'abolitionniste Victor Schoechler, à Pointe-à-Pitre, on observe avec tristesse certains vestiges de cette époque révolue: collier de punition dont on se servait pour les esclaves marrons qui avaient tenté de s'évader, inventaire de biens du maître qui mêlait la description des esclaves à celle du bétail, serrures de case...
Mais bien avant que la Guadeloupe ne soit la proie des esclavagistes, ce sont des autochtones, appelés successivement Arawaks et Caraïbes par les colons, qui y vécurent durant des siècles.
À Trois-Rivières, sur la Basse-Terre, le parc archéologique des roches gravées, qui est aussi un délicieux jardin botanique, propose au promeneur de regarder une série de roches gravées au fil des siècles par cette population aujourd'hui décimée.
Laissées in situ dans l'état où elles ont été trouvées, ces roches présentent leurs dessins naïfs, mais aussi émouvants, de chefs caciques, ou encore de cette femme en train d'accoucher, dont la représentation du bébé baigne dans l'eau de mer.
Pour en apprendre un bout sur ce pan oublié de l'histoire, la conservatrice des lieux, Susana Guimaraes, qui est aussi celle du musée Edgar Clerc à Grande-Terre, propose quelques livres, dont Un flibustier dans la mer des Antilles, un manuscrit anonyme retrouvé il y a une dizaine d'années dans la bibliothèque de Carpentras, en Provence, qui relate une expédition de flibuste partie de Dieppe et qui a échoué en Martinique.
«C'est la plus ancienne description des Indiens caraïbes qui peuplaient alors l'île», écrit Jean Pierre Moreau, qui a veillé à la publication du manuscrit. L'auteur anonyme en question jette d'ailleurs un regard positif sur ces Indiens qui l'ont hébergé et énumère les bienfaits dont ils l'ont gratifié.
La Soufrière [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Comité du tourisme des îles de la Guadeloupe
Sans être difficile, l’escalade de la Soufrière demande une bonne dose de persévérance. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le diablotin était un oiseau qui nichait dans les flancs du volcan de la Soufrière. Nocturne, cette sterne qui ne se nourrissait que de poisson sortait la nuit pour pêcher avant de revenir manger son poisson dans les fractures du volcan. Malheureusement, cette espèce a disparu de la Guadeloupe à force d'être chassée pour sa chair.
De mon côté, c'est en compagnie d'un petit diablotin de six ans que j'ai entrepris d'escalader la Soufrière en janvier dernier. Sans être difficile, la montée du monstre demande une bonne dose de persévérance, particulièrement du fait que le sommet est plus souvent qu'autrement caché dans les nuages, qui s'y prennent et s'y accrochent au milieu de leur course au-dessus de la mer des Caraïbes. Par temps clair, on y jouit de beaux points de vue sur les côtes et on y observe, dit-on, les émanations sulfureuses provenant du cratère.
Pour s'approcher du coeur bouillant du volcan, les moins intrépides se contenteront cependant de se baigner dans l'eau chauffée par les émanations du volcan. À Thomas, près de Bouillante, sur le côté ouest de Basse-Terre, il n'est pas rare de trouver un groupe de citoyens qui viennent s'y chauffer les fesses, les pieds dans l'eau, pour causer politique, moitié en créole, moitié en français. Certains jurent que les jets de vapeur bouillante qui s'échappent du sol ont des vertus curatives pour les maux les plus divers. Un peu plus au nord, plus près encore de Bouillante, au Bain du curé, on réserve cette eau, soigneusement préservée, aux hommes d'un certain âge souffrant de problèmes de la prostate.
Volcan au repos, la Soufrière ne s'est manifestée qu'à deux éruptions au cours du XXe siècle. La dernière explosion majeure est survenue en 1530. Ce qui n'empêche pas la population locale de rester sur le qui-vive. Durant notre séjour, un article du journal France-Antilles relevait que l'activité volcanique de la Soufrière était en «lente augmentation». Pas de panique, ajoutait-on, les éruptions de ce type de volcan s'annoncent des mois, voire des années à l'avance. Amplement le temps, pour les visiteurs et les citoyens, de goûter les charmes de l'île papillon, la tête tranquille, les pieds dans l'eau.
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En vracLe comité de tourisme des îles de la Guadeloupe est une mine d'informations pour découvrir la Guadeloupe ainsi que ses îles périphériques, Marie-Galante, la Désirade et l'archipel des Saintes. On y trouvera aussi entre autres la programmation du Carnaval, dont le point culminant, le mardi-gras, se tient le 21 février.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Tant le guide du routard que le Lonely Planet ont fait paraître une édition revue et corrigée sur la Guadeloupe pour 2012.
Si les combats de coqs ne vous font pas tourner de l'oeil, il faut visiter le Pitt à coqs de Dolores Bélair, à Morne-à-l'eau, sur la Grande-Terre. La dame, qui s'est donné comme vocation de perpétrer les traditions de la Guadeloupe, a pris le relais de son père, qui a fondé ce pitt à coqs il y a des décennies. On peut y assister à de véritables combats, qui mettent entre autres en scène les coqs de Madame Bélair. Certains portent les noms évocateurs de Hollande ou Sarkozy... Dolores Belair tient aussi un musée d'«antan-lontan», et les groupes scolaires y sont aussi les bienvenus.
Source:
Le Devoir