L'hôtel St. John à Londres: le souci de la note juste Ariane Krol
La Presse[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La salle à manger aux murs blancs nus, avec le bruit des cuisines pour
seule trame sonore, possède l'austérité d'un vieux réfectoire d'école.
PHOTO FOURNIE PAR LE ST. JOHN (Londres) L'enseigne du chef Fergus Henderson et de son associé Trevor Gulliver a fait des petits. Elle figure désormais sur trois restos, une boulangerie et un tout nouvel hôtel. Des déclinaisons fidèles à l'original, animées du même souci de la note juste.
Il y a des entreprises qui font des pieds et des mains pour se distinguer. D'autres qui, en se contentant de suivre leurs principes, se détachent naturellement du lot. Les établissements St. John font clairement partie du second groupe.
Il suffit de pousser la porte du restaurant original, installé dans un ancien fumoir de Smithfield, pour s'en convaincre. La salle à manger aux murs blancs dénudés, avec le bruit des cuisines pour seule trame sonore, a l'austérité d'un vieux réfectoire d'école.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'hôtel St. John est situé en plein coeur du West End,
quartier de spectacles et de cinéma fourmillant de touristes.
PHOTO FOURNIE PAR LE ST. JOHN Même rigueur dans les énoncés du menu. En entrée, «betterave, oeuf dur et anchois», «escargots et feuilles de chêne» ou, tout simplement, «chou-rave». Les plats principaux se limitent aussi à deux ou trois ingrédients.
Cette austérité, heureusement, rime davantage avec sobriété qu'avec sévérité. Souriant et détendu, le personnel répond aux questions avec beaucoup de gentillesse. Heureusement, car plusieurs clients en sont à leur première visite. On vient de partout pour goûter la fameuse cuisine «du museau à la queue» (nose to tail eating) créée par Fergus Henderson et décorée d'une étoile Michelin.
Vu d'ici, où la patte de cochon, la tête fromagée, les ris de veau et la moelle n'ont jamais disparu du paysage culinaire, le concept peut paraître banal. Cette idée de revaloriser les bas morceaux a cependant fait grand bruit dans le monde anglo-saxon. Architecte de formation et autodidacte en cuisine, Fergus Henderson est aujourd'hui un chef célèbre. Sa démarche n'a pourtant rien d'une quête de sensations fortes à la Fear Factor. «Ne pas tirer le maximum de la bête serait déloyal envers l'animal», explique-t-il dans la préface de The Whole Beast, son premier livre de recettes aux allures de manifeste.
Joues de porc, andouilles, os à la moelle et coeur de boeuf figurent régulièrement au menu. Et sans artifices. Servie en cinq tronçons, la langue de veau est sans équivoque et goûte même un peu l'étable. On n'est cependant pas obligé de manger des abats pour faire l'expérience du St. John. La carte, bien que courte, offre aussi du poisson, plusieurs viandes (agneau, lapin, chevreau, etc.) et même des plats sans viande. Nous avons goûté des buccins braisés, de la seiche et du lièvre: tout était délicieux.
Faire des petits
Depuis l'ouverture de ce premier St. John, en 1994, un deuxième est apparu dans Spitalfields. Le St. John Bread and Wine vend encore du pain, mais celui-ci est désormais fabriqué dans la boulangerie de Druid Street, près du Borough Market. Un hôtel, flanqué d'un troisième resto, a finalement ouvert ses portes dans le West End cette année.
Les trois salles à manger logent dans des immeubles de styles différents, mais la parenté est évidente. Même décor blanc émaillé de touches noires, même absence de musique, même domination française à la carte des vins, même type de cuisine - beaucoup d'ingrédients figurent d'ailleurs sur plus d'un menu. Les verres à vin sont bas sur pattes, certaines assiettes pourraient être servies plus chaudes, mais le contenu est impeccable. Les serveurs ne demandent pas si «tout est à votre goût», et franchement, on s'en passe très bien.
Qui dort dîneL'hôtel St. John est situé en plein coeur du West End, quartier de spectacles et de cinémas fourmillant de touristes. Un emplacement stratégique pour remplir les chambres, mais qui tranche avec les autres endroits où les restos ont élu domicile. Une fois passée la porte, toutefois, on oublie le brouhaha de la rue et les effluves du quartier chinois. Avec ses murs blancs et ses planchers de caoutchouc vert, l'hôtel a un petit air maritime, clin d'oeil au resto de poissons qui occupait auparavant l'édifice.
«Les chambres sont conçues pour offrir au voyageur tout ce qui lui faut et rien dont il n'ait pas besoin», prévient le site internet. De fait, on n'est pas dans le moelleux ou l'hyper-design d'un hôtel-boutique, mais ce n'est pas l'auberge de jeunesse non plus. St. John est sûrement le seul hôtel de sa catégorie à afficher sur son site des photos moins attrayantes que la réalité. «Pas tant une chambre avec vue qu'une chambre avec fenêtre. Ces plus petites chambres vous éviteront d'avoir à prendre un taxi», lit-on à côté d'une image blafarde de la Post-Supper Room.
Oui, la vitre dépolie donne sur on ne sait quoi. Mais l'espace est loin d'être exigu et n'a rien de sinistre. Écran plat, grand bain, deux pommes de douche, peignoirs: on est bien au-delà du minimum vital. Il y a même un minibar très bien garni. Si la sélection se démarque de ce qu'on peut trouver ailleurs, avec trois champagnes différents et des mignonnettes de Fernet Branca, l'amer fétiche de Fergus Henderson, les prix sont tout ce qu'il y a de plus conventionnels. C'est-à-dire exorbitants: 200 ml de Lagavulin pour 75$? Même la SAQ ne va pas jusque-là.
Les chambres de niveau supérieur sont un peu plus grandes, et leurs fenêtres donnent sur la rue. La Long Room sous les combles est encore un peu plus spacieuse et peut être transformée en suite lorsqu'on loue la chambre adjacente.
Dans les restos, comptez 11$ à 15$ pour les entrées, et 27$ à 36$ pour la plupart des plats principaux. Ce n'est pas donné, mais pas excessif non plus pour l'expérience, que les serveurs font tout pour rendre agréable. Les tarifs de l'hôtel, par contre, fluctuent beaucoup, et la folie olympique n'aide pas les comparaisons. En mai, les chambres les plus modestes démarraient à 240 livres, donc autour de 380$. Est-ce trop pour vivre la totale St. John? À vous de voir.
Margot Henderson, la femme de Fergus, est copropriétaire de ce petit café qui adhère aussi à la philosophie nose to tail eating. Installé dans l'ancienne remise à vélo d'une école de Shoreditch, l'établissement offre aussi un service de traiteur très couru.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Source:
La Presse