Un somptueux palais - L’incroyable renaissance de Tsarskoïé SeloGary Lawrence [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Gary Lawrence
La façade du palais Catherine fait pas moins de 306 mètres. Tsarskoïé Selo — Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, pendant l’interminable siège de Leningrad, ces sans-gêne de nazis se sont installés à 25 kilomètres de l’actuelle Saint-Pétersbourg, dans le somptueux palais de Tsarskoïé Selo. Bien vite, cette « résidence d’été », la préférée de Catherine II, fut allègrement pillée et dépouillée de ses plus riches atours.
Tantôt ceux-ci furent envoyés quelque part au coeur du Troisième Reich, tantôt ils furent bêtement saccagés pour le simple plaisir de vandaliser le bien de l’ennemi. Tout y passa : dorures, statuettes, meubles, lustres, porcelaines…
Entre autres biens spoliés figurait ce qu’on qualifiait alors de « huitième merveille du monde » : les fabuleux panneaux du cabinet d’ambre formé de 5,5 tonnes de cette jolie résine fossilisée, déployée en une marqueterie aux multiples ocres, ornée d’éléments finement ciselés, le tout étant apposé sur les murs d’un petit salon.
Encore aujourd’hui, on ne sait trop si ces panneaux d’ambre ont coulé au fond d’un lac, s’ils ornent la résidence d’un obscur collectionneur ou s’ils se sont consumés lors d’un incendie.
En 2003, à l’occasion du tricentenaire de Saint-Pétersbourg, le cabinet (ou salon) d’ambre a été rouvert après avoir été reconstitué au terme de 24 années de labeur artisanal, morceau d’ambre après morceau d’ambre. Lors de l’inauguration officielle, Gerhard Schröder (alors chancelier allemand) s’est déplacé à l’invitation de Vladimir Poutine (jadis maire de Saint-Pétersbourg), comme pour oblitérer le passé.
D’autant plus qu’un richissime entrepreneur allemand avait partiellement financé la nouvelle oeuvre et qu’à l’origine celle-ci avait été offerte par le kaiser prusse Frédéric-Guillaume Ier au tsar Pierre le Grand, fondateur de Saint-Pétersbourg, pour raffermir les liens entre les deux empires.
Entamée dès les années 50, la reconstruction du palais de Tsarskoïé Selo (alias palais Catherine, palais Pouchkine ou Detskoïé Selo, le « village des enfants » sous les bolcheviks) ne s’est pas limitée au cabinet d’ambre, même si la tâche s’avéra titanesque. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à jeter un oeil sur les photos prises à la libération et exposées au sous-sol du palais : en 1944, il ne restait qu’un squelette d’édifice, une pâle ossature où ne subsistaient à peu près que les murs de brique…
« Voyez aujourd’hui comme ce baroque jubilatoire est réjouissant, surtout avec ce turquoise : on dirait que le ciel se reflète dans la façade ! », s’extasie encore Dmitry Smirnov, même si ce guide pétersbourgeois voit et revoit les lieux plusieurs fois par semaine.
De nos jours, on ne peut qu’être ébaubi devant la façade principale du palais Catherine, large de 306 mètres, mais aussi devant la grappe de bulbes d’or de la chapelle depuis lesquels le soleil gicle de toutes parts. Mais à l’intérieur, seule une infime partie des pièces ont été réaménagées à l’identique, ampleur de la tâche oblige.
Malgré les contingents de visiteurs qui s’y pressent à la queue leu leu dans une multitude de goulots et d’étranglements, tous s’extasient en traversant la Grande Salle (ou salle de danse), qui n’est pas sans rappeler la galerie des Glaces de Versailles ou encore la salle des Tableaux, dont les peintures sont toutes accrochées les unes aux autres de part et d’autre des grands poêles de faïence.
Quant à la sublime enfilade d’or, elle forme une succession de pièces toutes plus maniérées, toutes plus bardées de dorures les unes que les autres, au coeur desquelles trône de nouveau le fameux cabinet d’ambre. Cette fois-ci pour de bon, est-on en droit d’espérer.
Source:
Le Devoir