Au delà des cocotiersLes dirigeants de la destination nous souhaitent plus nombreux dans les rues de leurs villes historiques. Et du coup, plus loin des cocotiers, plus près de l'esprit cubano.
Carolyne Parent [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]P
hoto : Carolyne Parent
Dans le Centro Habana. La Havane — Hiver comme mocheté d'été, Cuba est l'une de nos destinations Sud préférées. Le Canada est le premier marché émetteur de touristes au pays de Raúl (820 000 sur 2,3 millions en 2008). «Et les deuxième, troisième et quatrième marchés aussi, tant les autres, Royaume-Uni, Espagne, Italie, arrivent loin derrière!», note Rosa Adela Mejías Jiménez, directrice du Bureau de tourisme de Cuba à Montréal.
Soleil, mer, Cuba Libre et sable chaud... Depuis le début des années 1990 et le développement d'un tourisme international, c'est une combinaison gagnante pour la Isla Grande, qui n'en cherche pas moins à diversifier son offre touristique afin de séduire les vacanciers en quête d'autre chose. (Les Pauline qui ne sont pas douées pour la plage seront heureuses de l'apprendre!)
Le ministre cubain du Tourisme, Manuel Marrero Cruz, a bien exprimé cette volonté en mai dernier, lors d'une conférence de presse donnée à La Havane dans le cadre d'une foire touristique internationale. Aux journalistes venus de Minsk ou de Milan comme de Montréal, il a lancé: «Il est grand temps que les vacanciers cessent de s'enfermer dans leur hôtel et qu'ils découvrent le pays.» À commencer, a-t-il ajouté, par les villes historiques, c'est-à-dire les sept premières villes fondées au début du XVIe siècle par les Espagnols, dont quatre, La Havane, Trinidad, Camagüey et Santiago de Cuba, figurent à l'inventaire du Patrimoine mondial de l'UNESCO.
Une Vieille-Havane ravaléeC'est fou comme la désignation de cette agence des Nations unies peut être catalyseur de changement! Quiconque n'aurait pas mis les pieds à La Habana Vieja depuis 1982, année où elle fut inscrite sur la fameuse liste du Patrimoine, n'en croirait pas ses yeux aujourd'hui, tant elle s'est métamorphosée. Renovés et reconvertis en musées, en restaurants et en hôtels-boutiques, la plupart de ses superbes palacios. Ravalées, plusieurs des façades baroques, rococos, Art Déco des immeubles du Malecón, La Croisette cubaine. Manucurés, les places et les jardins. Préservés pour la postérité, monuments, églises et fortifications.
Le maître-d'oeuvre de cette renaissance, c'est la Oficina del Historiador, le Bureau de l'historien de la ville dirigé par Eusebio Leal Spengler, un ancien guide touristique. L'entité qui finance l'opération, c'est Habaguanex.
Créée en 1994 à cette fin, la société touristique possède et gère une vingtaine d'hôtels, une trentaine de restaurants et près de 150 cafés, bars et boutiques. Tous situés dans le périmètre historique, ils contribuent un pourcentage de leurs profits aux trvaux de restauration, toujours en cours.
Plus qu'un beau quartier à arpenter, la Vieille-Havane est un secteur vivant avec ses marchés de fruits et légumes, ses guaraperas qui vendent du jus de canne à sucre, ses parcs où on joue aux dominos à l'ombre des flamboyants, ses patios d'où s'échappe quelque air entraînant. «En un monde où plusieurs villes ne misent que sur le tourisme et se convertissent en villes-vitrines, la Vieille-Havane jouit d'une reconnaissance internationale parce qu'on la compare à ces autres qui pâtissent de ce malheur», confiait en mai dernier Eusebio Leal Spengler à une publication hispanophone spécialisée en tourisme.
Camagüey en technicolorSituée à 550 kilomètres à l'est de La Havane, dans l'arrière-pays, Camagüey est la «petite nouvelle» du club cubain des trésors de l'humanité. Elle en a joint les rangs l'été dernier grâce à l'éclectisme de ses styles architecturaux et à sa trame urbaine irrégulière, chose rare dans l'Amérique latine coloniale, qui lui a préféré le tracé en damier. Mais, imprematur de l'UNESCO ou pas, la ville natale d'Ignacio Agramonte, héros de la première guerre d'indépendance du pays, est une pure splendeur. Ce fut même la révélation de notre tournée dans l'île.
Selon Teresa Pascual Wong, directrice du plan-maître de la Oficina del Historiador de Camagüey, la zone patrimoniale de la cité fait 54 hectares, ce qui représente 16 % de sa superficie. Un 16 % labyrinthique, dédale compact de places et de placettes, de rues et de ruelles. Cerné de constructions dégoulinant de crépis colorés, on se croirait par moments dans une pâtisserie géante digne d'Alice au pays des merveilles! «Le centre historique comprend plus de 2500 immeubles dont 90 ont une valeur architecturale exceptionnelle», souligne avec fierté la directrice.
Pour que l'UneNESCO classe un site au Patrimoine de l'humanité, le candidat doit notamment démontrer qu'il sera en mesure de le préserver. À Cuba, la rareté du bois complique les travaux de réfection. C'est d'ailleurs le plus grand défi de Camagüey, où on trouve encore à certaines fenêtres des balustres en bois, antérieures aux grilles en fer forgé, et où plusieurs toitures doivent être restaurées à l'ancienne avec ce même matériau, note Mme Pascual Wong, pour qui la désignation de l'UNESCO «réaffirme la valeur de notre ville et braque les yeux du monde sur nous».
Ville de potiers, Camagüey a pour symbole les tinajones, de grosses jarres en terre cuite qui, au temps de la colonie, servaient à emmagasiner denrées et eau de pluie. Aujourd'hui, elles ornent toutes les places, tous les parcs, tous les patios en autant de clins d'oeil à son histoire. Une pure splendeur, disais-je. Mais ne me croyez pas sur parole: allez-y!
Le nouvel âge d'or de TrinidadCoup de coeur assuré aussi pour Trinidad, au centre de la côte sud de l'île, ville réputée pour son harmonie architecturale. Et la raison de cette harmonie est fort simple: centre de l'industrie sucrière et du commerce des esclaves au XIXe siècle, la ville a eu le tort de se ranger du côté des Espagnols au temps des guerres d'indépendance. Mal lui en prit. Ses plantations de canne à sucre furent détruites et... adios la prospérité. Trinidad sombra dès lors peu à peu dans l'oubli, ce qui assura par ailleurs l'intégrité de son architecture.
Depuis son accession au Patrimoine mondial, en 1988, en même temps que la Valle de los Ingenios, la Vallée des sucreries, la ville n'a cessé d'astiquer ses immeubles et monuments. Plusieurs des palacios aux patios tapissés de céramique et des riches demeures qui appartenaient autrefois aux propriétaires des plantations de la vallée ont été transformés en musées, dont un dédié au culte de la santería. Le voyageur curieux est donc bien servi côté culture locale. Mais à vrai dire, le simple fait de flâner dans ses rues pavées de galets nous transporte dans un Cuba à des années-lumière de celui des cocotiers, riche d'histoire et empreint de poésie.
Décidément, les plages ont de la concurrence en ce pays. Et elle ne provient pas que des pierres récurées: elle provient aussi du peuple, qu'on rencontre difficilement sur un cayo isolé. Un peuple admirable, en manque de tout sauf de rire et de débrouillardise. «Nous, on préfère rire de nos difficultés plutôt que de s'apitoyer», dit une Havanaise tout en me refilant la carte de sa casa particular (son gîte touristique)... Venant de quelqu'un qui a dû élever des cochons dans sa baignoire pour survivre lors du periodo especial du début des années 1990, ça donne à réfléchir.
En passant, si Pauline voulait aussi voir la mer à Cuba, il faudrait lui dire qu'elle n'est jamais bien loin de toutes les perles du patrimoine de ce pays.
En vracHébergement: à la Vieille-Havane, à l'hôtel Ambos Mundos, où Ernest Hemingway a séjourné fréquemment entre 1932 et 1939 («sa» chambre, la 511, abrite un petit musée); sur la place San Francisco, au nouvel hôtel-boutique Palacio del Marqués de San Felipe y Santiago de Bejucal (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] non loin de Trinidad et de Sancti Spíritus, une autre beauté coloniale, à l'hôtel Club Amigo Costasur, un trois-étoiles familial et propret sur la plage, à Ancón. Pour loger chez l'habitant:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et à Centro Habana, Señora Rosa (anthony93@correosdecuba.cu).
À explorer aussi: la pimpante Remedios, pour son atmosphère villageoise et le «punch paroissial» au rhum du tenancier du café El Louvre; Bayamo, la «ville des calèches»; Cienfuegos, pour son architecture d'influence française; Santiago de Cuba, le «berceau de la Révolution».
Renseignements: le guide Voir Cuba, le nouveau guide Ulysse La Havane,
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Source: Ledevoir.com