48 heures à BrugesFabienne Couturier
La Presse[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Bruges doit une partie de son charme aux canaux qui la quadrillent.
Photo: Fabienne Couturier, La PresseJour 1
11hUn coup de foudreDe la gare de Bruges, qui grouille de monde, un taxi me conduit, à travers un inextricable labyrinthe de venelles, jusqu'à un canal où un joli pont de pierre fait le gros dos. Le Number 11, la maison d'hôte où je passerai les trois prochaines nuits, se trouve juste de l'autre côté. Le carillon du beffroi, qui choisit ce moment pour sonner midi, annonce en même temps ma reddition prochaine: je sais que je vais tomber amoureuse de cette ville.
Le Number 11, vaste et lumineuse maison qui ne compte que trois chambres et une suite, respire la chaleur et l'harmonie, à l'image d'Annie, sa propriétaire. Il y a du feu dans le poêle, des lambris de bois blond, des roses blanches dans des vases, partout de jolies choses. Néanmoins, malgré le ciel boudeur et la bise glaciale, il me faut ressortir: j'ai faim, et puis j'ai trop hâte de me perdre dans les vieilles rues tortueuses de Bruges.
13h
La dentelleMon légendaire sens de l'orientation me conduit dans la direction opposée à celle du Markt (le marché), principale place de la ville. Mais cela me permet de découvrir dans Langerstraate un joli resto, le Pepermolen, où l'on sert à prix raisonnable une bonne cuisine simple et équilibrée, ce qui, je le constaterai plus tard, est loin d'être toujours le cas dans la zone plus touristique.
Au bout de Langerstraate, quatre moulins à vent, les derniers de tous ceux qui autrefois entouraient la ville, montent la garde. Que c'est joli! En leur tournant le dos, on remonte dans une petite rue pour trouver le Kant Centrum - le centre de la dentelle. Impossible de passer outre: la dentelle de Bruges est l'une des plus fines d'Europe. On en présente de beaux exemples anciens dans un petit musée qui, hélas, ne fournit pas beaucoup d'explications. Qu'à cela ne tienne: des dentellières sont à l'oeuvre dans l'atelier voisin, et c'est merveille de voir leurs mains ridées entrecroiser ces dizaines, voire ces centaines de fils de lin blanc aussi fins qu'un cheveu. Comme la plupart des produits que l'on trouve dans les boutiques pour touristes sont faits en Chine, si l'on veut une pièce authentique, c'est ici qu'il faut venir.
16h
La place Jan Van EyckUn petit tour de bateau sur la Coupure, peut-être? Profitons-en, il n'y a pas de queue - ce sera bien autre chose dès le mois d'avril. Pendant une demi-heure, le guide débite son commentaire d'un ton mécanique. Le coup d'oeil est splendide mais, en fin de compte, errer au hasard des places et des venelles procure autant, sinon plus de surprises et d'émotion.
C'est ainsi que je découvre la place Jan Van Eyck, peut-être l'une des plus jolies et des plus calmes de Bruges, avec, au centre, la statue du grand peintre et, tout autour, ces mignonnes maisons aux pignons en escaliers, si caractéristiques de la Flandre.
Un peu plus loin se cache l'Oude Vlissinghe, plus vieil estaminet de la ville, dont les longues tables patinées accueillent les buveurs depuis 1515 (excusez du peu). Les lambris sombres, le plafond de bois brut laissent voir que le décor n'a jamais changé. Je commande une Brugse Zot (le Fou de Bruges), une bonne ambrée locale. «S'il vous plaît!» répond la jeune serveuse à mon merci, comme c'est la coutume. N'est-ce pas charmant?
20h
Une bonne adresseDans le même quartier, le restaurant 't Zonneke (Le Petit Soleil), tenu par un couple affable (lui aux cuisines, elle en salle), m'ouvre ses portes. Assiettes généreuses et bien faites, prix plus que raisonnables dans cette ville où tout est cher... C'est une bonne adresse qui, encore une fois, vaut la peine qu'on s'éloigne du Markt.
Jour 2
10hAu sommet du beffroiLe beffroi, dont le carillon rythme depuis le XVIIIe siècle le quotidien des Brugeois, m'appelle à gravir les 366 marches qui conduisent à son sommet. Là-haut, on peut observer le mécanisme du carillon et, évidemment, les toits de Bruges. Comme l'escalier devient de plus en plus étroit et escarpé à mesure qu'on monte, les embouteillages sont fréquents. Claustrophobes s'abstenir!
Puis mes pas me portent vers l'église du Saint-Sang, où un splendide tabernacle d'argent protège une fiole censée contenir du sang de Jésus. Un petit musée expose notamment le reliquaire dans lequel on promène la sainte fiole, le jour de l'Ascension (le 1er mai prochain), au cours d'une procession, paraît-il, fort colorée.
12h 30
ShoppingÉcumons voir la Steenstraat, où l'on trouve des boutiques exclusives et, entre autres magasins à rayons, la Galeria Inno, chaîne belge de fort belle tenue. Pas d'aubaines en vue, mais de jolies choses à profusion. Les Belges ont bon goût, cela se voit!
15h
Pour Michel-AngeÀ l'église Notre-Dame (Onze Lieve Vrouwekerk), on peut admirer une Vierge à l'enfant de Michel-Ange, la seule oeuvre de l'artiste à avoir quitté l'Italie de son vivant. Aussi, les tombeaux de Marie de Bourgogne et de Charles le Téméraire, d'une beauté poignante, de même que le naïf ornement de quelques sépultures découvertes dans la crypte, me retiennent un bon moment dans cette église qui, autrement, n'est pas particulièrement jolie.
16h
Moment de grâceMe voici au Beginhof (béguinage), où des femmes se regroupaient pour vivre la vie conventuelle sans prononcer de voeux. Les soeurs augustines, qui les ont remplacées, accueillent toujours des femmes seules. C'est si beau que je songe un instant à m'y faire admettre! Dans un décor bucolique à faire pleurer, une série de maisonnettes chaulées (dont l'une, aménagée selon la tradition flamande, donne à voir un peu du quotidien des béguines) s'alignent autour d'un jardin tapissé de jonquilles, devant une église de brique rouge où vient justement de sonner l'heure de l'office. À l'intérieur, dans un silence absolu, la sonneuse se tient immobile comme une statue, la corde de la cloche à la main, pendant que ses soeurs vêtues de noir et voilées de blanc prennent place dans les stalles. Puis leur chant s'élève soudain, céleste, irréel à redonner la foi au pire des mécréants, et c'est un vrai moment de grâce.
Au retour, je longe le lac d'Amour, où se mirent des cygnes placides sous un ciel de fin du monde. Trop bucolique!
Entre le Markt et le Burg, une ruelle si étroite qu'on a remarque à peine attire mon regard. Un café microscopique a élu domicile tout au fond, le De Garre. Ça tombe bien: c'est l'heure de la sainte bière, ce à quoi les béguines n'ont pas droit... En leur honneur et fidèle à moi-même, je prendrai donc une Pécheresse, excellente bière aux pêches. La salle accueille tout au plus quatre ou cinq tables de bois, c'est mignon comme tout.
20h
Un repas mémorableComment terminer ce bref séjour sans déguster un lapin à la flamande, plat classique entre les classiques? Je choisirai pour cela de m'attabler au café-brasserie Craenenburg, vénérable maison à l'histoire aussi riche que la cuisine flamande. Le décor est magnifique, le lapin délectable, et je me demande comment je ferai, demain matin, pour m'arracher à tant de charmes. Quarante-huit heures pour s'imprégner de Bruges, c'est bien peu...
Source: Cyberpresse.ca