Amsterdam: la cité d'un autre tempsGérard Coderre, collaboration spéciale
Le Soleil[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] La ville d'Amsterdam s'est bâtie entre ponts et canaux sur la rivière Amstel,
à la manière d'une toile d'araignée.
Photothèque Le Soleil Ce qui fait le charme d'Amsterdam, qui était une ville de marchands, d'artisans, de marins et de pêcheurs, c'est qu'elle n'a guère changé depuis le XVIIe siècle, à l'époque où la capitale des Bataves, qui s'est développée autour de son centre médiéval, était le coeur d'un immense empire commercial et l'une des cités les plus influentes du monde. Aujourd'hui encore, seuls quelques panneaux-réclames et antennes de télévision nous rappellent le XXIe siècle. Si Rembrandt y revenait, il aurait peu de peine à retrouver son chemin.
Amsterdam, c'est aujourd'hui un million d'habitants, des centaines de canaux, un millier de ponts et autant de cafés, des milliers de house-boats et d'immeubles classés historiques. Sur une carte, la vieille ville ressemble à un immense amphithéâtre tourné vers la mer.
La ville amphibie, dont les plans sont conçus au XVIe siècle, vise avant tout à répondre aux besoins du commerce maritime. Les marchands, pour être en bordure du canal, sacrifient en largeur mais donnent à leur propriété une profondeur et une hauteur inhabituelles. Un palan, fixé au pignon des maisons, permet de charger et de décharger facilement la marchandise. Le pignon, qu'il soit à gradins, à goulot, en cloche, à redans ou à corniche, varie selon l'époque et trahit en quelque sorte l'âge de ces résidences ancestrales.
Ville-musée au fil de l'eauAmsterdam s'est bâtie entre ponts et canaux sur la rivière Amstel, à la manière d'une toile d'araignée. L'eau étant omniprésente, la ville a l'air de flotter, comme si elle n'était qu'amarrée à la terre ferme. Construite sur pilotis comme Venise, Amsterdam a ceci de particulier qu'elle se situe à plusieurs mètres sous le niveau de la mer. Construite sur des terres conquises sur la mer et protégée par un réseau de jetées et de digues, elle semble, malgré son architecture arrogante et tout en hauteur, à la merci des marées. Dieu créa le monde, dit-on, à l'exception de la Hollande, qui fut créée par les Hollandais.
Ville florissante jusqu'au XVIIe siècle, la récession économique qu'elle a connue aux XVIIIe et XIXe siècles aura permis de la garder intacte, à l'abri des changements qui ont accompagné la révolution industrielle. Et lorsqu'Amsterdam a rattrapé son retard, les habitants de la ville avaient déjà compris l'importance de sauvegarder leur patrimoine. Aujourd'hui, plus de 7000 bâtiments sont classés historiques, soit plus que dans toute autre ville au monde. Même les voitures, limitées en raison des canaux, n'ont pas réussi à altérer l'ambiance qui prévaut dans cette ville du passé. Ce qui étonne également, c'est l'harmonie qui se dégage de l'ensemble. Amsterdam est une ville-musée, mais on y vit toujours au quotidien.
Vivre et laisser vivreLes habitants d'Amsterdam, probablement en raison de leur passé mercantile, ont toujours gardé un regard tourné vers l'extérieur. Si les Amstellodamiens semblent pantouflards et apprécient leur petit confort derrière leurs rideaux de dentelle et leurs pots de fleurs, ils demeurent avant tout ouverts sur le monde.
Dans les années 60-70, les jeunes hippies du monde entier avaient fait du Dam à Amsterdam leur lieu de rencontre et du parc Vondel, une auberge de jeunesse à ciel ouvert. Aujourd'hui encore, Amsterdam est un incontournable pour les routards de partout, comme si la ville appartenait à personne et à tout le monde. D'ailleurs, c'est probablement ce qui attire encore aujourd'hui les partisans de la contre-culture. La ville est tolérante certes, mais elle est avant tout expérimentale. Amsterdam ne s'impose pas. C'est une ville hors normes et sans balises. À Amsterdam, on vit au jour le jour et on vit la nuit au grand jour.
Vivre et laisser vivre, telle pourrait être la devise de cette ville pour qui il n'y a pas de sujet tabou et où les préjugés ne semblent pas avoir d'emprise sur le quotidien de ses habitants. Pas étonnant que la ville ait, de tout temps, attiré les peintres et les artistes.
Sur les 600 canaux d'Amsterdam s'entassent quelques milliers de house-boats où se côtoient artistes et artisans, bourgeois et bohèmes. Ces vieux rafiots ajoutent une note décontractée à la ville.
À Amsterdam, le charme historique et la contre-culture font bon ménage. Pour les homosexuels, qui en ont fait leur patrie d'adoption et qui semblent parfois occuper le haut du pavé, Amsterdam est le San Francisco d'Europe. Ce n'est pas qu'on les aime plus qu'ailleurs. C'est un groupe parmi d'autres, sans plus.
À Amsterdam, on est individualiste et anticonformiste à la fois. C'est chacun pour soi, et chacun à sa façon. La société semble éclatée, mais tous s'entendent sur l'importance de protéger l'environnement et le patrimoine culturel de la ville et tous, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, enfourchent tout naturellement leur bicyclette pour se déplacer à l'intérieur de la ville. Amsterdam compterait un demi-million de bicyclettes. À Amsterdam, ce n'est pas des voitures dont il faut se méfier en traversant la rue, mais des vélos.
Une ville qui sait faire la fêteLe meilleur moment de l'année pour visiter Amsterdam est sans doute le printemps, alors que les Amstellodamiens, comme les habitants de tous les pays nordiques, descendent dans la rue pour profiter du soleil et envahissent les cafés terrasses.
Les Pays-Bas deviennent en cette période de l'année un immense champ de tulipes. Le 30 avril, à l'occasion de la fête de la Reine, c'est toute la ville qui descend dans la rue et c'est toute la Hollande qui se donne rendez-vous à Amsterdam. Tous se parent d'orange, couleur de la famille régnante Orange-Nassau, et vident leur grenier pour transformer la ville en un immense bric-à-brac.
Le Koninginnedag (Jour de la fête de la Reine) commence tôt, alors que les jeunes familles envahissent le parc Vondel pour offrir leur bric-à-brac. C'est le Vrijmarkt (marché libre), où l'on peut vendre et acheter de tout et de rien sans payer de taxes. C'est, de plus, une occasion rêvée pour permettre aux enfants d'étaler leurs talents. Chanteurs, danseurs et musiciens en herbe se donnent alors en spectacle, la générosité des passants servant de baromètre à leur performance et un encouragement ou non à faire carrière.
Mais la fête proprement dite, c'est ailleurs que ça se passe, alors que des vedettes de la chanson font vibrer la foule au son des grands succès de l'heure. Les rues étroites et les canaux du vieux Amsterdam ne tardent pas à être envahis par des centaines de milliers de jeunes fêtards qui n'en ont que pour les bars où la bière en fût coule à flot. L'ambiance qui règne alors dans la capitale des Bataves est contagieuse.
Au Leidseplein, au Dam, au Muntplein, au Nieuw Markt, c'est l'embouteillage, tellement la foule est dense. T-shirts, chapeaux aux formes les plus farfelues, perruques, couronnes, cravates, boas, foulards et tout ce qui est orange servent de passe-partout et distinguent le fêtard du simple spectateur.
Devant une telle invasion, les autobus et les tramways n'ont d'autre choix que de faire relâche. Sur le canal Prinsengracht, entre Leidsegracht et Reguliersgracht, ce sont les dizaines d'embarcations de toutes sortes, remplies de fêtards et crachant leur musique à tue-tête, qui donnent le ton. Là encore, c'est l'embouteillage, pour le plus grand plaisir des passants qui envahissent les nombreux ponts chevauchant le Prinsengracht pour profiter de l'ambiance qui prévaut sur le canal.
Les prostituées du Red Light District tournent elles aussi cette fête à leur avantage et n'attendent pas la tombée du jour pour offrir leurs charmes.
La fête se poursuivra tard dans la nuit, laissant les rues et les canaux de la vieille ville couverts de détritus. Il faudra bien quelques jours à Amsterdam pour s'en remettre, mais c'est le prix à payer pour faire la fête la plus exubérante et étonnante des Pays-Bas. On soulignera bien sûr l'événement ailleurs aux Pays-Bas, mais c'est du party d'Amsterdam et des excès et de l'exubérance des fêtards dont on parlera dans les médias le lendemain.
Source: Cyberpresse.ca