L'Airbus A 380 dont Air France a reçu un premier exemplaire le 15
novembre dernier, est toujours cloué au sol dans l'énorme hangar de
maintenance de Roissy-CDG. Jeudi, le vol AF 006 Paris-New York a été
annulé à nouveau pour raisons techniques. La compagnie explique qu'un
problème électrique perturbe l'affichage de la position des becs et des
volets qui se déploient sur les parties antérieure et postérieure de
l'aile. Ces dispositifs hypersustentateurs augmentent la portance de
l'aile à basse vitesse, quand l'avion décolle ou atterrit. Ils ne sont
donc utilisés que lors de ces phases de vol et les pilotes doivent
savoir s'ils sont sortis ou non. De tels défauts de signalisation ne
sont pas rares, dépendant de mini-contacts qui peuvent être défaillants
pour quelques millimètres de décalage. Vendredi matin, les services de
maintenance d'Air France n'avaient pas identifié précisément l'origine
de la panne mais remplaçaient l'ensemble de la pièce, quitte à la faire
contrôler ensuite en laboratoire pour trouver le composant fautif. La
date de remise en ligne du très gros porteur n'était pas connue, même
si la compagnie a bon espoir d'assurer demain samedi le vol AF 006.
L'A 380 ne dessert actuellement que New York à raison
de six vols par semaine (sauf le mercredi, consacré à la maintenance et
à la formation des navigants). L'arrivée d'un deuxième appareil en
janvier permettra d'assurer plus de régularité des liaisons. C'est en
effet le troisième incident enregistré en quelques jours par l'A 380
aux couleurs d'Air France. Lundi soir déjà, l'AF 007 New York-Paris
avait été annulé, suite à un problème de transfert de carburant entre
les réservoirs. Cette fonction, outre celle d'alimenter les moteurs,
permet de faire varier la position du centre de gravité de l'avion et
d'améliorer ses performances. L'avion a été ramené à Paris en vol dit
"ferry", c'est-à-dire sans passager, pour y être dépanné. Et depuis, il
n'a pas revolé. Le premier incident était survenu cinq jours après la
mise en ligne sur les États-Unis intervenue le 21 novembre : une panne
de configuration de pilote automatique avait exigé un retour à New
York, causant trois heures de retard.
Tous ces soucis de mise au point concernent des
problèmes électriques, ce qui n'est guère étonnant. Sur l'A 380 comme
sur le Boeing 787 qui vient d'effectuer son premier vol, les circuits
électriques sont beaucoup plus nombreux que sur les avions de la
génération précédente où régnaient les systèmes hydrauliques (et leurs
fuites). Air France n'est pas la seule à connaître des soucis avec l'A
380. Un appareil de Singapore Airlines a fait demi-tour cette semaine
après une panne, électrique elle aussi, des fours des cuisines. Cette
compagnie à très haute qualité de service n'envisageait pas la
possibilité d'un vol de douze heures sans servir de plats chauds à ses
passagers... Hier à Roissy-CDG, les passagers, qui, dans l'ensemble,
comprennent que des problèmes de rodage peuvent intervenir sur un
nouvel avion, acceptent beaucoup moins le déficit d'information. Les
481 voyageurs du Paris-New York sont restés près de sept heures au sol
à bord de l'A 380. On leur a laissé entendre que les moteurs ne
démarraient pas. La communication reste un point perfectible à Air
France. Puis deux heures ont été nécessaires pour récupérer leurs
bagages, le fonctionnement de l'aéroport étant perturbé par la neige.
Un Boeing 777 a alors été affrété, en embarquant 303 d'entre eux et
décollant dans la nuit, les autres étant acheminés aujourd'hui. Ceux
qui voulaient voler en A 380 devront encore attendre.