Visite du quai des Chartrons à BordeauxKaryne Duplessis Piché
La Presse[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le quai des Chartrons est devenur le quartier bourgeois-bohème de Bordeaux.
PHOTO FOURNIE PAR L'OFFICE DE TOURISME DE BORDEAUX (BORDEAUX) Le quai des Chartrons, à Bordeaux, est une destination de choix pour les oenophiles. Car c'est sur ses berges que l'exportation des vins de la région a pris son envol... il y a 300 ans.
Le quai des Chartrons a bien changé depuis l'arrivée des négociants de vin dans le quartier, il y a près de trois siècles. Les anciens chais ont été transformés en appartements hauts de gamme. Et les antiquaires qui s'y étaient installés dans les années 60 ont vu leur boutique modernisée et offrir davantage d'objets de luxe.
C'est maintenant le quartier bobo (bourgeois-bohème) de Bordeaux.
«Ce sont des personnes qui ne mangent que du bio, mais qui se promènent en Porsche Cayenne», explique le directeur des vignobles Dourthe, Frédéric Bonnaffous.
Immigrer pour exporterSitué en bordure de la rivière de la Garonne, le quartier a été baptisé en l'honneur des moines Chartreux qui s'y sont installés au XIVe siècle. Aujourd'hui, on ne fait plus référence au passé ecclésiastique de l'endroit. On s'identifie davantage aux immigrants, devenus marchands de vin, qui ont façonné le quartier au XVIIIe siècle.
Daniel Lawton travaille depuis toujours dans le commerce du vin, sur le quai des Chartrons. Sa famille d'origine irlandaise a fondé une société de courtage en 1740. Maintenant âgé de 81 ans, l'homme connaît par coeur chaque détail de l'histoire de son quartier.
«Les Chartrons se sont peuplés de gens des pays baltes, de l'Irlande, des Pays-Bas et du nord de l'Allemagne au XVIIIe siècle, raconte-t-il. Ils sont venus, attirés par la qualité des vins de Bordeaux, pour en faire le commerce vers leur pays d'origine.»
Ces immigrants ont été accueillis dans la partie nord de la ville, dans le quartier hab ité par les Chartreux. À cette époque, ils importaient le vin des vignobles environnants pour en faire l'élevage et l'assemblage. Une fois les cuvées réalisées, elles étaient envoyées par bateau.
On peut d'ailleurs observer au Musée du vin et du négoce, rue Borie, des images illustrant le quai des Chartrons encombré de grands voiliers.
Grâce au succès de leurs affaires, les négociants ont construit de magnifiques immeubles que l'on peut toujours admirer de nos jours.
«Ils recevaient le vin dans des maisons assez étroites, mais avec des chais énormes vers l'intérieur», ajoute M. Lawton.
Ces anciens entrepôts sont désormais mis en valeur par les marchands du quartier. Ils sont tantôt utilisés pour les étalages d'une épicerie fine, pour créer un coin intime dans un bar ou pour exposer des objets de déco. Le patrimoine architectural n'est pas l'unique souvenir de l'importance des négociants dans le quartier. Les rues sont aussi légèrement inclinées vers le quai. «De cette façon, ils pouvaient rouler facilement les fûts vers les navires», explique-t-on au bar Verre ô vin.
Exit les négociants, bonjour les antiquairesOn se rend du centre de la ville, place de la Bourse, aux Chartrons en une vingtaine de minutes à pied. L'endroit est aussi accessible par tramway. Mais en voiture à l'heure de pointe, c'est tout autre chose. La cité tout entière se transforme en un énorme bouchon de circulation. C'est pourquoi la plupart des négociants de vin ont désormais déserté le quartier.
«Toutes les maisons de commerce ont quitté les Chartrons, dit M. Lawton. Ce n'était plus possible de faire du commerce avec le problème de la congestion. Les chais ou les entrepôts sont maintenant déménagés en banlieue, où c'est plus facile de circuler.»
Depuis une cinquante d'années, ce sont plutôt les antiquaires qui ont pris d'assaut les rues des Chartrons. La plupart d'entre eux sont d'ailleurs installés rue Notre-Dame. Le quartier a également été choisi depuis peu par des dizaines de nouveaux restaurateurs et de propriétaires de bar. Ils veulent ainsi attirer les oenophiles. Car selon plusieurs d'entre eux, les Chartrons sont toujours emblématiques des vins de Bordeaux.
Source:
La Presse