Montauk, éclectique et mystérieux village de surfÈve Dumas
La Presse[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La ville américaine de Montauk est réputée pour le surf qui s'y pratique notamment.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE «Un jour, tu viendras à Montauk», chante Rufus Wainwright à sa fille Viva, dans son plus récent album. Beaucoup de célébrités sont passées par Montauk. Et si la tendance se maintient, l'éclectique et mystérieux village de surf et de pêche situé sur la pointe de Long Island, dans l'État de New York, sera une des destinations les plus chaudes de l'été.
La péninsule a une histoire particulièrement rocambolesque. C'est la pêche qui a justifié sa population par les Montaukett (tribu de langue algonquine), plus de 3000 ans avant que les Blancs ne posent le pied en Amérique. Ils ont baptisé leur terre Montauk, ce qui signifie «campagne vallonnée». À ce jour, malgré la surpêche de thon, d'espadon et d'autres espèces autrefois très abondantes, la région demeure l'un des hauts lieux de la pêche, tant commerciale que sportive, sur la côte Est. Lorsqu'on y est, il faut absolument en profiter pour s'empiffrer d'huîtres, de palourdes, de myes (les fameux steamers), de homard, de bar et d'autres poissons et coquillages.
«Beaucoup de gens du coin préféreraient que Montauk reste un petit village de pêcheurs endormi, mais on ne peut nier son passé de station balnéaire», lance Mark, barman au restaurant de l'hôtel-boutique Crow's Nest, l'un des plus récents points chauds.
Au début du XXe siècle, le promoteur Carl Fisher a en effet voulu faire de Montauk le «Miami du Nord» pour les aristocrates de New York (pensez aux Astor, aux Vanderbilt, etc.). Il a acheté la péninsule de 10 000 acres pour 2,5 millions en 1925. En 1927, le Montauk Manor, construit dans un style Tudor, ouvrait ses portes, avec 178 chambres. Les visiteurs pouvaient choisir parmi une pléiade d'activités, pour la plupart sportives: plage, piscine, tennis, golf, équitation. Le lac Montauk, sur lequel se trouvent aujourd'hui le chic Solé East et le Crow's Nest, a été dragué à 12 pieds de profondeur puis relié à l'océan par le promoteur mégalomane, qui voulait un club nautique où les grandes embarcations des riches et célèbres pourraient jeter l'ancre.
Malheureusement, la dépression des années 30 a eu raison des ambitions de «monsieur Miami». Les infrastructures mises en place sur la côte Est ont été abandonnées. L'ouragan de 1938 n'a pas aidé les choses. Et comme si ce n'était pas assez, l'armée américaine a installé une base militaire à Montauk pendant la Seconde Guerre mondiale: tests de tir à Camp Hero, bunkers, torpillages dans la baie. Bref, dans les années 50, les infrastructures balnéaires de Montauk tombaient en ruine!
Dans les années 60, les touristes ont commencé à revenir, et le village a connu un autre petit boom. Des maisons préfabriquées Leisurama y ont été livrées, puis plusieurs motels ont été construits pour répondre aux besoins d'une clientèle aux moyens plutôt modestes.
Mais c'est dans les années 70 que Montauk est vraiment revenu au goût du jour. Andy Warhol, sans doute le plus extravagant et le plus connu des artistes de l'époque, s'y est acheté un domaine en 1972. L'excentrique urbain n'était pas intéressé par les luxueuses maisons des Hamptons. Il préférait la côte sauvage et accidentée, puis l'architecture dépareillée de Montauk.
La propriété en question (une maison de sept chambres avec quatre foyers, puis quatre petits chalets pour la visite), achetée 225 000$, vaut aujourd'hui 50 millions. Fait notable, les Rolling Stones y ont répété leur tournée Black and Blue en 1975. À l'époque, les motels étaient remplis de groupies. Les Jagger (Mick et Bianca) avaient pris l'habitude de manger et de boire au Shagwong, mais c'est plutôt le Memory Hotel qui a été immortalisé par les Stones, grâce à la chanson du même nom. Les deux établissements sont toujours ouverts et fréquentés.
Le «boutte du boutte»Ralph Lauren, Robert DeNiro, Richard Avedon, Paul Simon et Rufus Wainwright ne sont que quelques-unes des vedettes à être tombées sous le charme de Montauk et de son aura de bout du monde. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle souvent «The End».
Aujourd'hui, Montauk est beaucoup moins uniforme que les riches Hamptons voisins, même si plusieurs villégiateurs se promènent encore en Land Rover. Les petites bicoques côtoient les maisons d'architecte. Les campings et motels survivent aux hôtels-boutiques plus chic. Les clam shacks sont aussi fréquentés que les restaurants gastronomiques.
Quand Harvey O'Brien, gérant du Panoramic View, a commencé à passer ses étés à Montauk, en 1991, c'était à nouveau un petit village endormi. «Aujourd'hui, c'est LA station balnéaire de la côte Est. Jusqu'à maintenant, le développement s'est fait de manière plutôt harmonieuse et respectueuse. Pourvu que ça dure...», déclare M. O'Brien.
C'est le Surf Lodge, ouvert en 2008, qui a changé la donne. Cet hôtel-boutique misant sur l'esthétique «surf chic» attire des hordes de beautiful people tous les week-ends. Lors de notre passage, le mois dernier, le mannequin Liya Kabede procédait au lancement de la collection estivale de sa griffe de vêtements Lem Lem.
Une demi-douzaine d'autres petits hôtels et restaurants, dont Rushmeyer's, Crow's Nest, South Edison et le tout nouveau Swallow, ont été rénovés pour accueillir une clientèle plus mondaine. La fin de semaine, au Surf Lodge, la queue se rend jusqu'à la route. L'ancien réfectoire du Ruschmeyer's déborde de jeunes fêtards. Les centres de yoga, cafés progressifs, boutiques de mode et autres pop-ups (restos ou boutiques éphémères) ouvrent les uns après les autres.
Montauk compte à peu près 4000 résidants à l'année. Depuis trois ans, ce chiffre gonfle de plus en plus chaque été, et on compte maintenant entre 25 000 et 30 000 visiteurs chaque jour. La chambre de commerce de Montauk essaie d'attirer les résidants de Long Island qui, jusqu'à tout récemment, se rendaient rarement jusqu'au bout de l'île. Les New-Yorkais sont également de plus en plus nombreux, de même que les Bostoniens, qui peuvent se rendre à Montauk en trois petites heures par traversier.
Si cette situation fait le bonheur des vacanciers branchés et de certains commerçants, elle génère aussi une certaine grogne chez les gens du coin.
«Montauk est une destination touristique et l'a toujours été. Autrefois reconnue pour la pêche, la pointe attire aujourd'hui avec ses plages, ses beaux hôtels, sa culture de surf, ses parcs nationaux, ses restaurants et sa vie nocturne», explique Laraine Creegan, directrice générale de la chambre de commerce.
Dans quelques restaurants et bars, on vous fera néanmoins comprendre que vous êtes chanceux d'être en si belle et bonne compagnie! Au West Lake Clam&Chowder House, derrière le bar, un panneau sur lequel on voit un chapeau (associé à la culture hipster) attaqué par une hache. Sous l'image, un slogan qui dit tout: «Save Montauk!» Heureusement, cette attitude n'est pas généralisée. Des gens sympathiques, accueillants et souriants, il y en a aussi en grand nombre.
Mais gare aux surfers! Les planchistes de la côte Est ne sont pas aussi baba cool que ceux de l'Ouest. Ils n'aiment pas partager les vagues avec les «touristes», et encore moins avec les débutants. Les plus possessifs ne se gêneront pas pour vous dire de vous tasser de «leur» vague ou pour vous couper en pleine action. À moins d'être Mickey DeTemple, champion de la côte Est, mieux vaut donc être accompagné d'un instructeur lorsqu'on brave l'imprévisible vague de Montauk. Mieux encore? S'écraser sur la plage et regarder le spectacle!
Montauk sort lentement de son hibernation au mois d'avril, mais reste plutôt tranquille jusqu'au mois de juin. Les mois de juillet et d'août sont les plus achalandés. Entre septembre et novembre, une bonne partie des hôtels et des restaurants ferment tour à tour leurs portes pour la saison hivernale.
Se rendre à Montauk est un défi. De Montréal, il faut compter entre huit et dix heures de route. Les bouchons des Hamptons ajouteront facilement une ou deux heures au trajet. On peut prendre son mal en patience et admirer le paysage ou opter pour les traversiers.
Si vous n'avez pas besoin de votre voiture (disons qu'un ami vous attend de l'autre côté), tant mieux! Vous laissez votre véhicule à New London (au Connecticut) et prenez un traversier de Viking Lines qui se rend directement à Montauk en une petite heure.
La traversée en voiture est plus compliquée. À New London, on prend un premier traversier jusqu'à Orient, sur la pointe de la fourche nord de Long Island (moins d'une heure). Puis il vous faudra prendre deux autres traversiers (10 minutes chacun) entre Greenport et Shelter Island, puis entre Shelter Island et Sag Harbor. La route entre Sag Harbor et Montauk est d'environ 40 minutes.
Une autre option: prendre son temps! On coupe le voyage avec un petit séjour dans la Grosse Pomme (à l'aller ou au retour). De là, on peut reprendre la voiture, ou opter pour le train (Long Island Railroad), le fameux Hampton Jitney (bus), l'hélicoptère (
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]), à 495$ l'aller simple!
Scénario de rêve: on commence par quelques journées d'exploration des vignobles de la fourche nord de Long Island, jusqu'à Greenport, puis on traverse dans les Hamptons, jusqu'à Montauk.
Source:
La Presse