Zanzibar, l'île aux épicesAnne Michaud [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Photo Anne Michaud Zanzibar. À lui seul, le nom fait rêver, au même titre que ceux d'autres destinations exotiques telles que Tombouctou ou Bora-Bora... Outre les amateurs de plongée sous-marine, les touristes qui visitent Zanzibar se divisent généralement en deux catégories: d'une part des Européens, particulièrement des Italiens, qui y passent une ou deux semaines à se faire dorer la couenne, et d'autre part des visiteurs du monde entier qui viennent s'y reposer quelques jours à la fin d'un safari. Mais les uns comme les autres se cantonnent trop souvent à l'intérieur de l'enceinte d'un hôtel tout-compris choisi par leur agence de voyages.
Zanzibar — Quelle que soit la raison qui nous amène à Zanzibar et même s'il s'agit de la dernière étape d'un safari épuisant, il faut absolument profiter du temps passé sur cette île de rêve pour découvrir quelques-uns de ses principaux attraits.
Pour bien se retrouver dans la terminologie zanzibarite, il faut savoir que le mot Zanzibar désigne trois entités distinctes. Il s'agit en premier lieu d'un archipel d'îles et d'îlots situés dans l'océan Indien, à quelques degrés au sud de l'Équateur et à moins de 35 kilomètres des côtes de la Tanzanie, pays qui fut créé en 1964 par l'union du Tanganyika et de l'archipel en question.
Le nom de la plus grande et plus populeuse des îles de cet archipel est Unguja, mais elle est communément appelée Zanzibar et sa ville principale porte le même nom. Voilà de quoi en perdre à la fois son latin et son swahili! Pour simplifier la chose, on peut utiliser l'appellation Stone Town (qui est en fait le nom de son quartier historique) pour désigner la ville et conserver l'appellation Zanzibar pour signifier l'île ou l'archipel.
Bien qu'il y ait eu des habitants depuis des millénaires sur Zanzibar, ce n'est qu'au XVIIe siècle, lorsque les îles passèrent de la domination portugaise à celle des sultans d'Oman, que Stone Town connut son essor et acquit une importance stratégique dans la région. La ville se développa alors autour du commerce de deux «denrées» jugées essentielles: les épices et les esclaves.
Il serait impensable de visiter Stone Town sans se rendre à la cathédrale anglicane érigée à la fin du XIXe siècle sur le site de l'ancien marché aux esclaves. En effet, c'est à cet endroit que l'on rassemblait tous les esclaves provenant des divers pays d'Afrique de l'Est, avant qu'ils ne soient vendus et partent pour la Turquie, le Moyen-Orient ou l'Inde, à bord de bateaux poussés par les vents de la mousson.
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Des joueurs de bao, près de Jaws’ Corner. Il s’agit d’un jeu africain composé d’une
espèce de damier dont les cases sont creusées et qui se joue avec des fèves
ou de grosses graines. Le but ultime est de réussir à prendre toutes les graines
de la première rangée de son adversaire. Bien qu'il ne subsiste à peu près plus rien de ce lieu infâme, on peut voir dans le choeur de la cathédrale un cercle rouge marquant l'endroit où se dressait le poteau auquel les esclaves étaient attachés pour être fouettés, ainsi que, dans le sous-sol de l'ancien hôpital qui s'élève tout près, les sombres cachots où ils étaient entassés jusqu'au moment d'être vendus... Tristes vestiges d'une époque peu glorieuse.
Malheureusement, très peu d'édifices datant de l'âge d'or de Stone Town ont conservé leur éclat d'antan. Un peu partout, on voit des murs qui s'effritent ou d'autres qui tombent carrément en ruines. Ces murs, faits d'un mélange de corail et de mortier, ont d'excellentes propriétés isolantes et font merveille pour protéger les résidants de la chaleur et de l'humidité, mais ils résistent très mal aux ravages du temps.
Et même si Stone Town fait partie des sites du Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2000, cela ne donne pas plus d'argent à ses habitants pour entretenir et sauver ces magnifiques demeures d'influences arabe et indienne. Il reste tout de même quelques édifices majeurs que l'on peut visiter, dont Beit al-Ajaib, «la maison des merveilles», premier édifice de l'île à bénéficier de l'électricité et de l'eau courante en 1883.
La portion sans doute la plus agréable d'une visite à Stone Town consiste à se perdre dans ses ruelles tortueuses, où l'on prend plaisir à découvrir à chaque détour une boutique ou un élément d'architecture, dont les fameuses portes qui ont fait la renommée de la ville. Ces portes de tek, sculptées et souvent monumentales, qui s'ouvrent sur les cours intérieures des maisons anciennes, sont tellement célèbres à travers le monde qu'on leur a consacré plusieurs livres, affiches et oeuvres d'art.
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Une des fameuses portes de Zanzibar. Ces portes de tek, sculptées et souvent
monumentales, qui s’ouvrent sur les cours intérieures des maisons anciennes, sont
tellement célèbres à travers le monde qu’on leur a consacré plusieurs livres,
affiches et œuvres d’art. À elles seules, elles méritent une visite guidée parce que seul un guide pourra vous aider à distinguer de leurs copies modernes les véritables antiquités, qui peuvent dater de plus de deux siècles, et vous faire découvrir toute la richesse des sculptures et décorations qui ornent panneaux et chambranles.
La cuisine localePour un amateur de cuisine exotique, Zanzibar est un paradis. En effet, la cuisine locale combine les influences indiennes, chinoises et africaines dans un véritable festival de saveurs. Pour manger comme et avec les Zanzibarites, il faut se rendre au Jardin Forodhani, près du port, où chaque soir quelques douzaines de baba lisha («hommes qui nourrissent») montent leurs petits étals et font chauffer leurs poêles à charbon pour offrir une variété de brochettes de poissons, de fruits de mer et de chèvres aromatisées d'épices, des pizzas locales (mantabali), des chapatis et samosas à l'indienne, des jus frais, du thé et du café turc et mille autres délices. Tout ça pour 4 $ ou 5 $, au plus!
Durant la journée, on peut se sustenter à bon prix dans une des gargotes locales telles que Lukmaan (dont l'adresse demeure pour moi un mystère mais que tous les Zanzibarites connaissent), où vous pourrez choisir l'un des ragoûts (à la pieuvre, aux moules, aux fèves ou à la chèvre) servis sur du riz, nature ou byriani, ou de la polenta. Beau, bon et vraiment pas cher!
Enfin, si vous voulez vivre une expérience hors du commun, rendez-vous au Zanzibar Serena Inn et demandez s'il est possible de réserver un souper-croisière à bord d'un des petits bateaux de bois, appelés dhows, qui se promènent sur l'océan. Inoubliable!
L'île aux épicesDepuis l'époque des grands voyages des découvreurs portugais, les Vasco de Gama et compagnie, l'archipel de Zanzibar est connu pour les diverses épices qui y poussent. Mais c'est sous l'autorité des sultans d'Oman que le commerce des épices s'y développa, entraînant une telle prospérité que les sultans délaissèrent même leurs territoires d'Arabie pour s'y établir. C'était bien avant la découverte de l'or noir du désert...
Encore aujourd'hui, un séjour à Zanzibar ne saurait être complet sans une visite à l'une des nombreuses Fermes d'épices (Spice Farms) qui parsèment l'île.
Là, en compagnie d'un guide et d'un «Spice Boy» qui cueille, déterre, pèle, etc., on découvre toute la richesse de cet univers d'odeurs et de saveurs incomparables: les poivriers qui grimpent le long des troncs, le clou de girofle qui pousse sur de grands arbres majestueux, la cannelle qui provient de l'écorce d'un arbre dont les racines ont une odeur rappelant celle de l'eucalyptus, les grains de cardamome qui se trouvent dans les gousses d'un petit arbuste de la famille du gingembre, le curcuma qui se cache dans les racines d'une plante s'apparentant elle aussi au gingembre... Et bien d'autres encore!
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Le clou de girofle est l’une des épices qui firent la richesse de Zanzibar aux XVIIIe et
XIXe siècles. Photo du haut: une plage de sable blanc sur la mer turquoise et un
dhow, toute voile au vent. Évidemment, à la fin de la visite, le Spice Boy s'attendra à recevoir de votre part un bon pourboire, de même que le guide et toute autre personne vous ayant rendu le moindre service, même ceux dont vous vous seriez volontiers passé... Mais il ne faudrait surtout pas que ce genre de petites tracasseries vous empêche d'apprécier les découvertes que vous ferez.
Et puis la merUne fois ces visites complétées, si vous en avez envie, vous pourrez encore découvrir quelques palais en ruines, vous promener dans des forêts de palétuviers et partir à la recherche des fameux (et plutôt rares) singes colobus rouges. Mais ce qu'il faut impérativement faire, c'est profiter des plages de sable blanc et des eaux turquoise de l'océan Indien. Les amateurs de plongée sous-marine auront de quoi s'amuser à volonté puisque, selon plusieurs plongeurs expérimentés, l'archipel de Zanzibar compte certains des meilleurs sites de plongée au monde.
Et si des palmes, un masque et un tuba vous suffisent pour être heureux, vous vous croirez au paradis puisque tout autour de l'île se trouvent d'innombrables atols, où l'on peut admirer des centaines de poissons et bestioles aquatiques de tous genres qui nagent parmi les coraux. Et pour ceux qui se contentent d'une simple baignade, les plages de l'île sont plus qu'invitantes. Décidément, Zanzibar remplit toutes ses promesses d'exotisme et de dépaysement.
Kwaheri! («Au revoir» en swahili)
Source:
Le Devoir