Découvrir la Corée du Nord en trainGilles Campion
Agence France-Presse
Pyongyang[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La Corée du Nord est le pays le plus fermé au tourisme
(ici, un poste-frontière entre le Nord et le Sud).
PHOTO: ARCHIVES AFP Pour se rendre en Corée du Nord, on peut bien sûr prendre l'avion qui relie Pékin à Pyongyang. Mais pour ceux qui en ont la possibilité, le train offre une occasion unique de découvrir le pays le plus fermé de la planète.
Il est 09H30 quand nous quittons Dandong, dernière ville chinoise avant de franchir le fleuve Yalu qui sépare les deux pays. Nous sommes les seuls Occidentaux à bord de ce train qui va mettre plus de dix heures pour parcourir les 240 kilomètres jusqu'à Pyongyang.
Dandong est en plein boom, grâce au commerce frontalier devenu florissant depuis que la Corée du Nord a été soumise aux sanctions internationales.
Des Chinois d'origine coréenne ont embarqué dans les deux seuls wagons-lits blancs et bleus, frappés de l'emblème de la République Populaire de Chine. Les bagages et les colis s'entassent sur les couchettes supérieures et jusque dans les soufflets du train.
Le contraste entre Dandong et ses gratte-ciels, et Sinuiju, la première ville nord-coréenne, est saisissant: les bâtiments sont décrépis, les rues poussiéreuses, un petit parc d'attraction avec ses manèges et sa grande roue semble à l'abandon.
On aperçoit la première statue de Kim Il-Sung, le fondateur en 1948 de la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC), décédé en 1994.
Une dizaine de douaniers nord-coréens, large casquette sur la tête, montent alors à bord. Les bagages sont fouillés et passés au détecteur de métaux. Le nombre d'appareils photo, de caméras vidéo et d'ordinateurs portables est soigneusement noté.
Seuls les téléphones mobiles sont interdits et mis dans une enveloppe scellée, avec interdiction formelle de l'ouvrir avant d'avoir quitté le territoire nord-coréen.
La plupart des passagers connaissent apparemment bien les inspecteurs nord-coréens.
«Je viens une fois par semaine», confie un Coréen de Chine, chemise fantaisie largement ouverte sur un collier en or, chaussures de luxe aux pieds et, sur l'épaule, un sac d'un illustre maroquinier français. Impossible de savoir à quel trafic il se livre.
Une fois l'inspection terminée, douaniers et voyageurs s'assoient sur les couchettes et engagent la conversation. Les cigarettes circulent, on échange des plaisanteries ponctuées de tapes dans le dos.
Dans le couloir, un douanier souriant interroge les quatre journalistes français.
«Vous venez pour la fusée? Il y aura aussi des experts étrangers?» demande-t-il en chinois. Visiblement, les médias officiels ont déjà claironné que le lancement - qui échouera finalement sept jours plus tard - sera couvert par des dizaines de reporters et quelques spécialistes étrangers.
Une douzaine de wagons verts défraîchis portant l'emblème de la RPDC sont accrochés au convoi. Des soldats, fusil en bandoulière, ouvrent les portes d'accès au quai. Des centaines de femmes pliées en deux sous des fardeaux de toile kaki et d'hommes chargés de sacs bourrés se ruent vers les voitures, bousculant vieillards et enfants.
Un wagon de banquettes «molles» nord-coréen, orné aux deux extrémités des portraits de Kim Il-Sung et de son fils Kim Jong-Il, décédé en décembre, est accolé aux wagons-lits chinois. Le wagon-restaurant est juste derrière. Il servira pendant tout le trajet de «frontière» avec la classe inférieure à laquelle les journalistes n'auront pas accès.
Après cette longue escale, le train repart.
Au restaurant, des commerçants chinois, mais aussi des membres de la nomenklatura, téléphone portable à l'oreille et lunettes noires sur le nez, ont pris place. Le menu est fixe: poisson grillé, un peu de viande de boeuf, riz, kimchi (légumes fermentés), soupe, le tout arrosé d'un verre d'eau chaude. La bière ou le soju, l'alcool de riz local, est en sus.
La campagne nord-coréenne défile à travers les vitres. Des grappes d'enfants font des signes de la main. On croise quelques rares véhicules, des hommes à bicyclette aussi, mais peu nombreux. Dans les champs bien entretenus, les charrues tirées par des boeufs efflanqués sont plus fréquentes que les tracteurs.
Ici et là apparaissent des villages de maisons aux murs blancs surmontés d'un toit en pagode recouvert de tuiles brun ocre. Cette région, qui borde la Mer Jaune, est considérée comme le grenier à riz du pays.
La nuit tombe. Les villages sont plongés dans le noir. Seules quelques rares fenêtres sont pâlement éclairées. L'électricité est rationnée et les habitants profitent des quelques heures de courant pour recharger des lampes d'appoint.
Le convoi ralentit à l'approche de Pyongyang, dont on aperçoit au loin les lumières. Au centre de la ville, des guirlandes d'ampoules brillent sur le pourtour des bâtiments publics. Sur la façade de la gare, le portrait géant de Kim Il-Sung est, lui, éclairé toute la nuit.
Source:
Cyberpresse.ca