La République Dominicaine méconnue des QuébécoisGILLES PROULXAvec une bonne centaine d’années de plus que Québec, la capitale de la République dominicaine, Saint-Domingue, s’illustre en tant qu’aînée de toutes les villes des Amériques. Pourtant, beaucoup de voyageurs la boudent pour aller « faire de la plage »… Dommage pour eux !
La République dominicaine partage avec Haïti la mythique île d’Hispaniola, découverte et adoptée par nul autre que Christophe Colomb. Nombre de touristes ignorent que l’implantation du Vieux Monde dans le Nouveau a commencé à Saint-Domingue. Où vont normalement les touristes provenant de France, d’Allemagne et surtout du Québec ? À Cabarete, à Marmama, à Punta Cana ou à Sosua qui, elle, vient de perdre la faveur des touristes à la peau laiteuse.
Parlons un peu du cas de SosuaDécidément, cette ville n’a pas de chance. Le dictateur Rafael Trujillo, qui régna sur la République dominicaine de 1930 à 1961, invita la communauté juive d’Europe à trouver refuge à Sosua pour fuir la persécution des nazis, voulant ainsi plaire aux Américains (qui refusaient ces immigrants) et stimuler la croissance de son économie. Il invita 100 000 colons juifs dans son pays ; à peine 650 se prévalurent de cette offre. Par la suite, ce sont des prostituées, des vendeurs de drogue et nombre de bruyants motards (dans plusieurs cas des Québécois) qui ont contribué à ternir la réputation de Sosua. La grande majorité des touristes honnêtes s’est redirigée vers la ville de Cabarete, qui offre une image plus idyllique et où l’on respire un air moins « criminogène ».
Êtes-vous déjà allé dans la capitale ? « Non », de répliquer la plupart de nos lézards à la recherche d’une mer bleue, quand ce n’est pas d’une simple piscine d’hôtel où ils liront un magazine qui relate la vie de nos vedettes. (Par ailleurs, c’est dans ce pays enchanteur que Nathalie Simard a déjà trouvé refuge à l’occasion d’une très éphémère « retraite » de la vie artistique…). Saint-Domingue, la capitale la plus ancienne des Amériques, n’attire donc pas ces Québécois adeptes de la moto (tant mieux) ou encore ces Québécoises en bikini et talons aiguilles hauts comme des échasses. Après un temps trop long passé sous le soleil, on préfère les clubs de danseuses à l’inestimable richesse culturelle et historique de Saint-Domingue.
De l’enfer haïtien au paradis dominicainArrivé en République dominicaine par la route cabossée depuis Port-au-Prince, à la frontière qui débouche sur la ville de Comendador, j’ai l’impression de changer de planète. La République dominicaine a quelques années-lumière d’avance sur l’ex-« perle des Antilles », qui tente de réactiver son industrie touristique. Cela s’explique facilement. Le revenu moyen d’un Dominicain est de quelque 5 000 $, ce qui est nettement supérieur au salaire moyen haïtien de quelque 700 $. Un million d’Haïtiens travaillent dans le pays d’à côté, dans les insupportables champs de canne à sucre…
Après un arrêt de près de deux heures au poste des militaires douaniers, une campagne verte et propre avec ses modestes petites maisons multicolores s’offre à nos yeux.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]PHOTO COURTOISIE Puis, une fois dans la capitale, Saint-Domingue, je suis étonnamment surpris par sa propreté, ce qui n’est pas toujours le cas dans les pays de cette partie du monde, par la profusion de monuments patrimoniaux extraordinaires et par l’omniprésence du drapeau national, qui rappelle celui de Christophe Colomb.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, GILLES PROULX Le berceau de l’AmériqueC’est ici que Christophe Colomb a posé les pieds la première fois dans le Nouveau Monde. Bizarre ! À la petite école, quand on nous enseignait l’histoire et la géographie, on nous disait du découvreur italien au service de la très catholique reine Isabelle qu’il planta sa croix à San Salvador, une île située à proximité de la Guadeloupe, puis, qu’il accosta à Cuba. Mais c’est bel et bien en République dominicaine qu’il décida qu’il y aurait une implantation humaine. C’était en 1496. Par la suite, on s’empressa de construire un fort (qui existe toujours) pour se protéger des pirates. Ensuite, il y eut l’imposante cathédrale, qui date de 1514. Chaque dimanche encore, le curé, comme dans le bon vieux temps chez nous, y va à tue-tête de ses avertissements quant aux sept péchés capitaux devant la foule qui bonde sa cathédrale. Il y a également le couvent des Franciscains, où l’on murmure des prières pour la rédemption des âmes perdues.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, GILLES PROULX[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, GILLES PROULX La chaîne hôtelière Sofitel s’est engagée à retaper nombre de beaux bâtiments historiques. C’est ici que l’on retrouve le premier hôpital du pays (construit bien avant celui de Jeanne Mance) et des musées, dont celui de l’ambre, dont une pierre a été vendue 100 000 $ à Londres parce qu’elle contenait à l’intérieur de sa résine un lézard datant de la nuit des temps.
Une ville qui regorge de muséesÀ visiter également : l’immense mausolée El Faro qui rend hommage aux découvreurs et qui prétend détenir les restes de Christophe Colomb (ce que plusieurs contestent). Je vous conseille aussi le musée Casa Duarte, qui honore le père de l’indépendance. Il y a aussi l’imposant palais présidentiel.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, GILLES PROULX
Le musée El Faro est gigantesque et magnifique. Juste en dehors de la ville, il y a également le Parc national de Jaragua avec ses oiseaux multicolores, dont le gazouillement vous étourdira.
En conclusion, après vous être fait brûler la peau sur la plage, ce que ne vous recommande certainement pas votre médecin, pourquoi ne pas prendre un peu le temps de ratisser le pays profond ? Dans les petits ports de pêche, on vous offrira des langoustes ; dans les villages cachés dans le creux des montagnes, vous entendrez des airs de musique qui expriment l’âme de ce peuple. Mais surtout : allez découvrir la grande sœur de Québec, l’aînée des villes des Amériques : Saint-Domingue, trop souvent oubliée par les organisateurs de circuit.
Source:
Journal de Montréal