Les Russes aux urnes: Poutine favori, fraudes et contestationVera Negdanova
Agence France-Presse
Vladivostok, Russie[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Quelque 109 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour la présidentielle en Russie.
PHOTO: AFP Les observateurs électoraux russes ont relevé quantité de fraudes à la présidentielle de dimanche en Russie, qui devrait ramener au Kremlin le premier ministre Vladimir Poutine dans une atmosphère de contestation inédite depuis son arrivée au pouvoir.
Quelque 109 millions d'électeurs sont appelés aux urnes depuis 8H00 locales à travers la Russie, le plus grand pays du monde qui s'étend sur neuf fuseaux horaires.
Le scrutin s'est ouvert à 20H00 GMT samedi dans l'Extrême-Orient russe. Le vote sera clôturé avec la fermeture des bureaux de Kaliningrad à 20H00 locales (17H00 GMT), à l'extrême ouest du pays, et peu après de premières estimations et un sondage doivent être annoncés.
À 15H00 de Moscou (11H00 GMT), la participation électorale atteignait 47,6%.
M. Poutine, grand favori selon les derniers sondages qui le créditent de 60% des voix environ, a voté à la mi-journée dans la capitale avec son épouse, Lioudmila. Cette dernière n'apparaît que très rarement en public.
«J'ai bien dormi, j'ai fait du sport puis je suis venu ici», a dit l'homme fort de Russie, qui compte revenir à la présidence qu'il avait dû quitter en 2008 pour devenir premier ministre, la Constitution russe interdisant d'effectuer plus de deux mandats consécutifs à la présidence.
Peu après, trois militantes du mouvement ukrainien FEMEN ont manifesté seins nus en criant «Poutine voleur» devant l'urne dans laquelle l'ex-agent du KGB avait glissé son bulletin. Elles ont été interpellées par la police.
M. Poutine est opposé à quatre candidats: le communiste Guennadi Ziouganov (second dans les sondages avec 15-20%), le populiste Vladimir Jirinovski, le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, nouveau venu dans le jeu politique, et le centriste Sergueï Mironov.
Mais tous se sont efforcés de ne pas attaquer frontalement l'ex-agent du KGB, et aucun membre de l'opposition radicale n'a été autorisé à se présenter.
Les représentants de certains candidats, des opposants, les organisations d'observation électorale Golos et la Ligue des électeurs ainsi que des médias indépendants ont d'ores et déjà recensé quantité de fraudes.
M. Ziouganov a ainsi estimé que si M. Poutine faisait un score autour de 60%, ce serait la preuve que le vote a été falsifié : «N'importe quelle personne raisonnable comprend très bien que c'est impossible sans frauder, sans voler les voix», a-t-il déclaré après avoir voté.
Le nombre de violations est élevé, selon les observateurs, Golos en voyant autant que lors de la présidentielle de 2008. «Rien n'a changé sur le fond», a déclaré l'un des dirigeants de l'ONG, Grigori Melkoniants.
«Ils essayent de faire les choses plus discrètement, mais ils n'y arrivent pas», a-t-il ajouté, selon Interfax.
Le site
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , qui recense les infractions constatées par la Ligue des électeurs, le parti Iabloko et les partisans de Mikhaïl Prokhorov, avait comptabilisé vers 12H45 GMT 3.640 violations, dont 303 cas de «transport massif d'électeurs» pour qu'ils votent en groupe et 61 cas de bourrage d'urnes.
Un journaliste de l'AFP a pour sa part vu sur la place Bolotnaïa de Moscou plus d'une centaine de bus ayant conduit à Moscou des milliers de jeunes depuis d'autres régions.
Ces personnes n'ont pas voulu dire qui avait organisé leur déplacement, mais ont confié être venues spécialement pour voter pour Vladimir Poutine. La loi électorale permet à une personne de voter dans un autre bureau que le sien, une règle qui, selon l'opposition, facilite les fraudes.
Le chef de la commission électorale de Moscou, Valentin Gorbounov a rejeté ces accusations, estimant que ceux qui les formulent ont été probablement payés, reprenant le discours du pouvoir qui juge que l'opposition est à la solde de l'Occident.
«Tout ça, c'est du domaine du bavardage. J'ai l'impression qu'ils ont été payés», a-t-il dit, selon Interfax.
Le pouvoir avait à l'avance assuré que le scrutin serait libre et démocratique, alors que les falsifications dénoncées par l'opposition et des observateurs indépendants en décembre lors des législatives ont déclenché une vague de contestation sans précédent depuis 2000.
En réponse, M. Poutine a ordonné l'installation de 180.000 webcams --deux par bureau de vote-- pour que chacun puisse suivre le déroulement de l'élection en direct sur internet.
Le système fonctionnait plus ou moins bien, selon les observations faites par l'AFP. Ainsi, la retransmission des images était interrompue pendant plusieurs secondes ou minutes dans de nombreux bureaux de vote et en plusieurs endroits les caméras ne permettaient pas de contrôler toutes les urnes.
Dans le bureau 1229 à Moscou, plusieurs personnes se pressaient aux urnes en même temps, glissant leurs bulletins sans qu'un responsable du bureau vote ne les surveille ou n'organise une file.
Le dépouillement ne sera retransmis par les webcams qu'après 17H00 GMT afin de ne pas influencer les régions où le vote continue. Or, selon les observateurs, nombre de fraudes lors des législatives avaient eu lieu lors du décompte.
La campagne électorale de l'homme fort du pays a été marquée par l'emploi massif des ressources de l'État en faveur de M. Poutine, des pressions et intimidations à l'encontre de l'opposition et des médias indépendants, relevait Golos cette semaine.
M. Poutine avait laissé la présidence à son subordonné Dmitri Medvedev en 2008. Ce dernier s'est effacé pour laisser son mentor revenir au Kremlin et devenir, après la passation de pouvoir prévue en mai, premier ministre.
S'il est élu dimanche, il reviendra à la présidence pour six ans, à la suite d'une réforme constitutionnelle ayant prolongé de deux ans la durée du mandat. Il pourrait donc rester théoriquement au pouvoir jusqu'en 2024.
Les partisans du régime ont prévu un vaste rassemblement près du Kremlin pour fêter la victoire de leur favori dès dimanche soir. Quelque 20.000 personnes y sont attendues.
Une scène avec des écrans géants et des haut-parleurs dignes d'un concert de rock ont ainsi été montés place du Manège. Des centaines de policiers étaient présents sur place, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les opposants ont prévu de sortir dans la rue lundi soir pour réclamer «des élections honnêtes» et «une Russie sans Poutine».
Source:
Cyberpresse.ca