Une île de charme et de mystèreGeneviève Tremblay [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Geneviève Tremblay
La plage de Rancho Luna, fort discrète au bord de la très turquoise mer des Caraïbes,
se rejoint en taxi ou dans un autobus à moitié mort où l’on s’entasse tant bien que mal. Rien ne prépare à l'expérience cubaine qui dort loin des complexes hôteliers dont la côte nord est jalonnée. Pays pauvre engourdi par des années de dictature, Cuba charme autant qu'elle déconcerte. Car derrière ses paysages fabuleux se cache un mystère tenace, une population métissée dont le cœur un peu désabusé reste à conquérir.
La Havane — Capitale extravagante aux couleurs défraîchies, riche d'un passé colonial quelque peu fané, La Havane est le paradoxe cubain dans toute sa splendeur. On y débarque comme sur une autre planète, assommé par le soleil tropical et le tapage des autobus bondés sortis de l'ère soviétique, qui passent en râlant dans un nuage de fumée. Les Cubains nous accostent allègrement, la mer scintille et la propagande socialiste, murales du Che à l'appui, s'invite à chaque coin de rue. Entêtée, intense, La Havane n'obéit à rien.
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De jeunes écoliers en uniforme croqués sur la Plaza de la Catedral,
dans le quartier historique de La Habana Vieja. Il faut arpenter à pied, un peu au hasard, les larges avenues comme les ruelles défoncées de la ville pour tenter de comprendre la confusion qui y règne. Impossible de ne pas aimer le quartier historique de la Vieille-Havane, parsemé de petites places pavées où des Cubains, cigare au bec, improvisent un air sur le parterre de jolies églises silencieuses.
Et difficile de ne pas être fasciné par Centro Habana, ce quartier populaire où, à la tombée du jour, les enfants courent dans les rues sales devant leurs parents assis sur le porche d'appartements sans air.
Au coucher du soleil, c'est sur le Malecón, célèbre route du bord de mer, que se rassemble depuis plus d'un siècle le Tout-Havane pour discuter, se balader, s'embrasser, même se baigner sur les murets de pierre où se fendent les vagues du détroit de Floride. Envoûtant à souhait, ce «théâtre à ciel ouvert», qui s'anime chaque jour le long de façades à moitié délabrées, est le symbole même d'un pays en suspens, à cheval sur son histoire et son avenir.
Viñales[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Geneviève Tremblay
La Vallée de Viñales doit en grande partie ses paysages spectaculaires aux
mogotes, ces montagnes de calcaire arrondies qui baignent souvent dans
une chaleur bleutée. À trois heures d'autobus de La Havane, au creux de la campagne cubaine, Viñales la timide est un paradis silencieux par rapport à la capitale surpeuplée. C'est là que l'île commence à nous bercer, surtout si l'on se perd, le temps d'un après-midi, dans les champs de tabac et de manioc étalés au pied des mogotes, ces montagnes de calcaire bleutées de chaleur. Le ravage laissé par les ouragans Gustav et Ike, en 2008, n'est plus qu'un mauvais souvenir.
Les paysans du village, courtois et souriants, se font d'ailleurs un plaisir de nous diriger dans le dédale de sentiers de terre rouge, proposant au passage une visite de leur plantation de tabac, principale activité économique de la région, ou d'acheter un paquet de leur café parfumé, souvent cultivé à trois mètres de l'entrée de leur modeste demeure.
Fréquentée par les voyageurs mais étonnamment tranquille, Viñales regorge d'excellentes casas particulares, ces gîtes chez l'habitant étroitement surveillés par l'État et qu'on retrouve partout dans l'île. Propres et jolies, elles sont l'occasion idéale de papoter avec les Cubains et de goûter à la cuisine traditionnelle, où les haricots noirs (frijoles), le riz blanc, la viande et les légumes frais règnent en maîtres. Depuis la table du jardin de Graciela, mon hôte, la vue sur la vallée verdoyante est un regard sur Cuba l'authentique.
Pour les amoureux de patrimoine, deux cités se disputent le titre de plus belle ville de Cuba: Cienfuegos, «la perle du Sud», et Trinidad, sacrée «musée en plein air», toutes deux inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO — et avec raison. Enroulée autour d'une baie scintillante, Cienfuegos est célèbre pour son centre élégant, quoiqu'un peu artificiel, hérissé de colonnes néoclassiques et de façades immaculées. Mais rien ne vaut une promenade sur la Punta Gorda, péninsule où se terrent d'immenses demeures du XXe siècle et qui s'étire jusqu'à une pointe à la vue imprenable sur la baie et les ondulations de la Sierra del Escambray toute proche.
TrinidadUne centaine de kilomètres plus à l'est, avec ses petites rues aux couleurs pastel où sèchent les pavés après la dernière pluie et son marché quotidien où s'amoncellent nappes au crochet, boîtes à cigares et jeux de dominos — le passe-temps cubain par excellence, auquel on joue sur les trottoirs —, Trinidad enchante.
Son panorama grandiose entre la mer et la superbe Valle de los Ingenios, où circule un authentique train à vapeur, confère à cette ancienne ville sucrière une ambiance mi-festive, mi-paisible. Petits bonheurs du voyageur: un mojito bien dosé en rhum dans l'un des rares bars de la ville, où gesticulent les amateurs de pelota (baseball), et les marchés improvisés sur des charrettes de bois, où l'on vend pour une bouchée de pain des ananas, des concombres et des mangues fraîches à manger avec les doigts. Un délice.
Dans son taxi rouge flamboyant de 1952,rafistolé et pétaradant qui me ramène à l'aéroport, Alejandro symbolise cette génération qui ne croit plus aux slogans socialistes plantés au bord des autoroutes. Même encore coupée du monde, l'île semble n'avoir de souvenir de la Révolution que ce qu'il en reste dans les musées. D'ailleurs, lance le quarantenaire, les Cubains n'ont plus rien à faire de la politique. «Ce qu'ils veulent, c'est faire de l'argent, danser et boire.» Et c'est ce qui rend l'île aussi ensorcelante.
En vracÀ lireComprendre Cuba, aux Éditions Ulysse, un résumé efficace de l'histoire, de la culture et du système cubains, et l'essentiel guide
Cuba, de Lonely Planet.
Avant de partir Souscrire à une assurance-maladie supplémentaire, conditionnelle à l'entrée dans le pays depuis mai 2010, et se procurer la carte de touriste, en général fournie par la compagnie aérienne ou l'agence de voyage.
Transport En taxi ou en autobus — la compagnie Viazul (
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Argent Les cartes bancaires sont inutiles, aussi faut-il échanger, une fois dans le pays, ses devises pour des pesos convertibles (CUC) — à ne pas confondre avec le peso cubano (CUP), monnaie des Cubains, qui vaut 25 fois moins.
Source:
Le Devoir