Un chapelet d'îles authentiquesÉmilie Folie-Boivin [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Photo : Émilie Folie-Boivin
Le bleu surnaturel des eaux de Tobago Cays. Ce petit groupe d’îlots des Grenadines est
reconnu comme l’un des plus beaux panoramas de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, et
même des Caraïbes. Les plaisanciers raffolent de l’endroit et on peut même y nager
pendant que les tortues marines petit-déjeunent. Le Sud rêvé est à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Le sentiment d'être seul au monde, entouré de plages vierges et turquoise à en oublier ses bleus, se trouve là, tout au sud des Caraïbes, passé la Guadeloupe, passé la Martinique. Saint-Vincent-et-les-Grenadines n'est rien de moins que la destination soleil parfaite. Même quand il pleut. Faut le faire.
Kingston — Le matin de mon départ de Saint-Vincent, un préposé de l'aéroport m'a tendu un poncho de plastique bleu pour me protéger du déluge. J'ai grimacé un «Thank you» devant l'ironie.
En pleine saison sèche, la pluie n'a presque pas failli pendant quatre jours, sauf pour quelques éclaircies bénies par mon Nikon. «Du jamais vu en 30 ans, je ne sais pas ce qui se passe», a lancé en haussant les épaules Lubin Ollivierre, mon chauffeur de taxi à Bequia, lorsque le sale temps est revenu après deux heures de répit.
Mais je sais ce qui se passe. L'archipel des vents a eu écho qu'une journaliste séjournait dans le coin. Et a tout essayé pour ne pas qu'elle passe le mot aux autres touristes. Si, si.
On entend plus souvent parler des belles Antillaises que sont la Barbade et Saint-Martin. Mais Saint-Vincent-et-les-Grenadines?
Il se trouve que l'État est le secret le mieux gardé des Caraïbes. Son chapelet d'îles encore authentiques est un véritable aimant à marins, dont les voiliers blancs mouchettent les baies turquoise.
Prenez Bequia, justement, une île de pêcheurs voisine de Saint-Vincent dont les traditions sont toujours préservées, autant celles de la pêche à la baleine au harpon que celles de la fabrication de bateaux. Il n'y a ni cinéma, ni casino.
Ceux qui y séjournent viennent vivre le rythme — très baba cool — des îles. Dormir à la belle étoile sur la plage d'Industry Bay, manger des conques, flâner dans le port.
Bequia n'a presque pas changé en 50 ans. «Et c'est ce que les touristes recherchent, explique Lubin à travers la lunette arrière de son taxi à la caisse matelassée. Ils ne veulent pas croiser des hordes de touristes sur leur chemin. J'en connais plusieurs qui reviennent ici chaque année depuis 25 ans sans en informer leur entourage. Bequia, tout comme Saint-Vincent-et-les-Grenadines, c'est un secret qu'ils veulent garder juste pour eux.»
Ah! Bien me voilà mal barrée, on m'invite justement pour propager la bonne nouvelle! Car l'État vit avec une certaine dualité. Il aime recevoir la visite, mais à petites doses, même s'il désire qu'on songe à lui autant qu'à Sainte-Lucie en évoquant les Caraïbes. L'ouverture en 2013 de son nouvel aéroport international changera toutefois la donne, facilitant les arrivées, et les touristes n'auront plus à faire escale à la Barbade avant de débarquer à Saint-Vincent pour enfin pouvoir oublier leur nom de famille et leur mot de passe Gmail.
Et remarquez qu'avec le mot «Antilles» inscrit à son pedigree, Saint-Vincent-et-les-Grenadines peut bien se permettre de rincer toute la contrée, ça ne change rien à sa photogénie (quoique le directeur artistique du Devoir dira peut-être le contraire en voyant les photos de ciel couleur ardoise). Son drapeau en fait d'ailleurs l'éloge: jaune pour le soleil, vert pour la nature et bleu en hommage à l'eau. Et accessoirement son ciel.
Juste du vraiSaint-Vincent, la principale île de l'archipel et la moins touristique du lot, offre la possibilité de jouer les aventuriers. Guidés par des pros, les visiteurs peuvent s'enfoncer dans la forêt tropicale pour grimper La Soufrière, volcan dont la dernière éruption remonte à 1979. On peut également sillonner, à vélo pour les extrêmes, en auto pour les autres, sa topographie polyaccidentée sur des routes peuplées de chauff...ards à la conduite nerveuse qui roulent au rythme d'une soca épileptique.
Bon, celui qui tient le volant devra se concentrer sur la circulation, mais le copilote pourra constater que Saint-Vincent est drôlement comestible, ceinturé d'arbres fruitiers le long des routes, que les défunts ont un point de vue saisissant sur la mer de leur cimetière à flanc de montagne. Presque autant que les vivants, qui habitent des maisons bien agrippées aux collines et aux teintes nectarine, moutarde et Curaçao bleu.
Kingston, la capitale et le port principal, n'est pas très fréquenté par les visiteurs, sauf ceux qui veulent se baigner dans le quotidien des habitants. Il y a un marché, trois églises — méthodiste, catholique et anglicane — et un petit centre historique à l'architecture coloniale et créole. Il y a aussi le Fort Charlotte, un observatoire datant de l'occupation britannique où les canons pointent à l'intérieur de l'île pour surveiller les colonisés. Il offre une jolie vue sur la baie et les îles.
Lorsque le ciel est dégagé.
Petit tour des îlesDe la trentaine d'îles qui composent l'archipel des Grenadines, quelques-unes sont inhabitées et/ou réservées à un tourisme de luxe que le «We are the 99 %» (et même le 53 %) ne pourrait s'offrir. Ici, Mustique est visée, repaire plus très secret de Mick Jagger et Bill Gates et où Anderson Cooper venait tout juste de séjourner, en ce début d'avril.
On m'a fait visiter deux d'entre elles lors d'une expédition en catamaran à travers son chapelet d'îles. Une odyssée sous une houle nauséeuse, commanditée par le sale temps, clairement une tentative d'intimidation. À l'itinéraire? Mayreau, ainsi que l'un des lieux de tournage du premier film de la trilogie Pirates des Caraïbes: la réserve naturelle de Tobago Cays.
Tobago Cays possède à lui seul un microclimat puisque, dès qu'on s'y est ancré, le soleil est venu parader et montrer les vraies couleurs de son territoire protégé. En fait, les eaux du récif corallien du Fer à cheval, où l'on peut nager avec les tortues de mer pendant qu'elles se nourrissent d'herbes marines, n'ont rien à voir avec le turquoise des autres Grenadines. La dernière fois que j'ai vu cette couleur, c'était dans un verre de Kool-Aid Glacier Bleu à saveur de limonade aux framboises. Une teinte comme celle des Cays, ça relève du chimique ou du divin, c'est irréel.
On peut d'ailleurs reprendre ses esprits sur les plages poudreuses des îlots avoisinants. Ça, ou pique-niquer, sommeiller, s'improviser naufragé. Au choix.
L'île de Mayreau, à quelques minutes en bateau, nous transporte ailleurs. On peut y dormir dans le village, la surface de l'île est vierge à 94 % et exempte de routes. La baie de Southwhistle lui donne même un air d'île déserte. Un chien blond est venu accueillir le catamaran sur la plage, mais il n'a rien voulu savoir de nous. Pas même le vendeur de paréos, qui buvait son Coke en nous laissant cueillir nos coquillages en paix.
C'est aussi le moment où la pluie, ô surprise, en a profité pour s'installer. La croisière est rentrée à Saint-Vincent, les passagers hydratés par le rhum punch et fouettés par les torrents.
Deux jours plus tard, au moment de boucler mes valises, mes souliers étaient encore trempés. Ça m'a fait sourire.
En vracDans ma valise, j'apporte des sandales, ça sèche plus vite.
Dormir devant Saint-Vincent, sur Young Island, un coquet petit centre de villégiature âgé d'une trentaine d'années. La nature a repris sa place et les 27 cottages intimes sont encerclés par les bougainvilliers. Il n'y a ni télé ni wi-fi dans les chambres, mais des livres écornés traînent dans la salle de bains: parfait pour une désintox techno. Fréquenté autant par des nouveaux mariés que par des retraités à la recherche de quiétude. Les pains font la renommée de la maison (particulièrement celui à la cannelle) et le yogourt de gingembre frais est exquis. Cinéfilles: Johnny Depp y a séjourné pour le tournage de Pirates des Caraïbes. Cottage no 6.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Pour prendre le large, il faut une embarcation et les compagnies de location sont légion ici. Ceux qui ne prennent pas le gouvernail peuvent même louer leur capitaine. Barefoot Yacht Charters (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) sillonne les Grenadines depuis sept générations. Pour les courtes expéditions, il y a Fantasea Tours (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]).
Commander la conque, ce fameux coquillage torsadé dans lequel on entend la mer. Le restaurant Coco's Place, à Bequia, sert le mollusque en chaudrée, au curry ou à la façon Conch T'ing, dont la cuisson spéciale libérerait ses propriétés aphrodisiaques. Un mets conçu pour lui, dont elle s'est aussi délectée.
Air Canada (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) vole jusqu'à la Barbade en passant par Toronto. Liat (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) fait ensuite la connexion jusqu'à Saint-Vincent.
Guide pour Bequia: définitivement, Lubin Ollivierre. Spécialiste de l'île et chauffeur de taxi, il connaît toutes les meilleures adresses de son coin de paradis. Il arrête même son camion sur le bord de la rue pour nous permettre d'acheter d'un gamin les fameuses prunes de Bequia, un fruit au noyau énorme qui se déguste saupoudré de sel. 784 458-3349,
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]À télécharger: l'application iPhone
Discover St-Vincent.
Renseignements: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Source:
Le Devoir