Trouver refuge à CarthagèneGary Lawrence [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Partout, l’architecture coloniale de Carthagène est resplendissante. À retenir
Remarquablement conservées, les fortifications qui ceinturent la vieille ville courent sur pas moins de 11 kilomètres, se jetant ici dans la mer, longeant là la voie rapide aménagée par remplissage, côtoyant là encore le Castillo San Felipe de Barajas (1657), la plus imposante forteresse jamais construite en Amérique latine, voire dans les Amériques, assurent certains.Destination jadis fort prisée avant d'être boudée parce qu'écartelée entre les cartels et enguirlandée par la guérilla, Carthagène renaît depuis quelques années. Non seulement cette ville coloniale espagnole est-elle remarquablement préservée, mais encore brille-t-elle par la joliesse de ses atours et de ses alentours.
Isla Palma — Quand le tristement célèbre narcotrafiquant Gonzalo Rodriguez Gacha voulut s'établir à l'abri du regard de la flicaille et hors de portée de ses rivaux et de leur mitraille, il s'érigea un palace aux allures de chaumière tropicale sur une île isolée de l'archipel San Bernardo, à deux heures de bateau rapide de Carthagène.
«C'est ici, au rez-de-chaussée, qu'avaient lieu les transactions; il pouvait alors y avoir jusqu'à 200 hommes armés jusqu'aux dents, au cas où les choses tourneraient mal», relate le guide Juan de la Cruz, tandis qu'il déambule à travers l'orgie de bois nobles, de sculptures tarabiscotées et d'étranges bassins aquatiques à la limite du kitsch.
Puis,
Gacha la gâchette — qui dirigeait le cartel de Medellin avec Pablo Escobar — a fini par avoir droit au même traitement de faveur qu'il a lui-même si souvent servi à d'autres: il s'est pris quelques balles dans le buffet. Aujourd'hui, son immense résidence esseulée forme un truculent établissement hôtelier, le Decameron Isla Palma.
Là où s'encanaillaient jadis des truands se prélassent de paresseux vacanciers, dans les hamacs de la grande véranda ou sur la longue plage bordée de palétuviers. Au bout du quai, deux dauphins s'offrent en spectacle et en denses contacts; autour de l'hôtel, les flamants roses sont désormais les seuls à monter la garde.
En 1533, les Espagnols cherchaient eux aussi une certaine forme de refuge en s'établissant en retrait de l'itinéraire des ouragans, sur la côte caraïbe. Mais en fondant Cartagena de Indias cette même année, ce sont aussi les premières pierres d'une future place forte qu'ils posaient.
Bientôt, ils y amasseraient quantité de richesses qu'ils pilleraient sans vergogne aux amers Indiens de l'Eldorado, avant de tout expédier dans l'amère patrie. Puis, plus tard, en lieu et place de la poudre blanche des barons de la drogue, ce sont des esclaves noirs qui feraient l'objet de leur triste négoce, ce qui enrichirait encore et toujours plus les Cartageneros.
Aujourd'hui, l'opulence de cette Carthagène des Amériques demeure éminemment palpable dans la vieille ville. Sorte de croisement entre Séville (en moins vaste), Trinidad de Cuba (en plus faste) et La Havane (en plus classe), elle forme un remarquable ensemble colonial que seuls quelques furoncles architecturaux modernes défigurent par endroits.
La nuit, les jolies lanternes encensent délicatement les murs ocre et les balcons ouvragés qui s'accrochent aux façades andalouses, mais aussi les barreaux stylisés qui ornent les fenêtres et les portes de bois cloutées qui s'ouvrent sur de suaves cours intérieures.
Le jour, les façades gaiement peinturlurées giclent de lumière, les murs immaculés de l'ancien Palais de l'Inquisition crépitent de blancheur et les délicats pastels rosés du théâtre Heredia, véritable petite Scala colombienne, jurent joliment de douceur avec la muraille de pierre voisine.
Remarquablement conservées, les fortifications qui ceinturent la vieille ville courent sur pas moins de 11 kilomètres, se jetant ici dans la mer, longeant là la voie rapide aménagée par remplissage, côtoyant là encore le Castillo San Felipe de Barajas (1657), la plus imposante forteresse jamais construite en Amérique latine, voire dans les Amériques, assurent certains.
Même si celle-ci a repoussé maintes attaques de pirates, elle n'a cependant pu éviter les quelques mises à sac dont a été victime Carthagène, dont celle des Français de l'amiral de Pointis, appuyés par les flibustiers de Saint-Domingue, en 1697. En revanche, l'expédition anglo-américaine dirigée par l'amiral anglais Vernon, en 1741, s'est soldée par un échec, notamment en raison d'une épidémie de fièvre jaune qui ravagea ses troupes. «S'il avait gagné, j'aurais les cheveux blonds et les yeux bleus», badine le très négroïde Juan de la Cruz.
La ville-phare de ColombieClassée depuis 1984 sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, la vieille ville de Carthagène figure toujours parmi les plus ravissantes villes coloniales espagnoles. Retapée et rénovée avec brio, jalonnée de restos aux mets succulents et de bars sympas et inspirants, elle forme désormais un chef-lieu de l'art de vivre colombien.
Mieux: elle sert de phare pour guider jusqu'en Colombie tous ces voyageurs timorés par la réputation de ce pays, encore considéré comme l'un des plus dangereux du globe il n'y a pas si longtemps encore, avant que l'ex-président Alvaro Uribe entreprenne de faire le ménage en 2002. «Cela dit, même au pire temps de la guérilla, les touristes fréquentaient toujours Carthagène, sous la haute surveillance d'un imposant déploiement policier», explique Juan de la Cruz.
Aujourd'hui, tous les Colombiens clament à l'unisson qu'hormis les zones frontalières, la Colombie se visite sans peur et sans pétoche, sans FARC ni attrapes, y compris à Cali, Medellin ou Bogota, et tant en Amazonie que dans le fameux «Triangle du Café», cette région des Andes où croissent certaines des meilleures pousses de caféiers au monde.
Le message sur la sécurité retrouvée semble avoir été entendu puisque, au cours de la présente saison, Carthagène attend la visite de 206 navires de croisières, en plus d'avoir hérité de nouvelles liaisons aériennes. Quiconque se sentant de solitude devrait même trouver que la ville ne lui sied pas si bien au cours des prochains mois.
Cela dit, la présence policière se fait encore bien sentir à Carthagène. Et sur la plage du nouveau Royal Decameron Baru, splendide complexe de villégiature nouvellement inauguré à 90 minutes de Carthagène, un minimum de deux gardes armés patrouillent la plage en permanence.
S'il faut s'éloigner un tantinet de Carthagène pour planter dignement ses orteils dans le sable, c'est que la plage de la ville demeure quelconque. Aussi bien patrouillée par des gardiens de sécurité que par des masseuses et des vendeurs de pacotille — dont de fausses émeraudes, la Colombie étant le premier producteur mondial de cette pierre précieuse —, elle ne mérite qu'on y passe un peu de temps que si on réside à l'un des nombreux hôtels qui la bordent — et qui bordent la route du quartier peu invitant de Bocagrande.
Quand on quitte Carthagène par bateau pour aller découvrir le ravissant archipel du Rosaire, où se réfugiaient jadis les pirates après leurs rafles, on découvre d'ailleurs toute l'ampleur de Bocagrande, quartier moderne et jalonné de hautes tours blanches comme de la poudre colombienne. Les étrangers du nord s'y réfugient à l'abri du froid, les Colombiens de l'intérieur s'y sont réfugiés à l'abri de l'effroi du temps de la guérilla, et d'autres encore y ont sans doute trouvé un refuge pour leurs devises parfois mal acquises, en les lessivant dans le béton. Mais, en somme, tout le monde a toujours trouvé - et trouve encore - refuge à Carthagène, de quelque manière que ce soit.
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En vrac-Transport. En décembre, Air Transat lançait une nouvelle liaison saisonnière entre Montréal et Carthagène, en vol direct d'une durée d'environ cinq heures et demie. Pour gagner la Colombie après avril, il faudra transiter par Toronto ou par nos voisins du Sud, en empruntant un transporteur latino-américain ou états-unien.
-Forfaits. Le voyagiste Nolitours (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] filiale du Groupe Transat, propose plusieurs forfaits à Carthagène, à Isla Palma et à Baru (près de Playa Blanca), en collaboration avec la chaîne Decameron (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Si l'Isla Palma est le plus original, le Royal Decameron Baru est tout nouveau, tout beau. Même si sa propre plage ne vaut pas celle du Isla Palma, ce complexe 4-étoiles aux grandes aires communes compte deux immenses piscines (dont une, très familiale, sur deux niveaux) et un splendide spa qui propose une foule de traitements, y compris une intéressante séance de purification corporelle et spirituelle en compagnie d'un authentique chaman. La restauration est plutôt bonne (voire excellente au restaurant Il Forno), les excursions sont bien organisées et la clientèle sur place est surtout sud-américaine.
-Hébergement. Réputée pour ses hôtels-boutiques, Carthagène en compte plusieurs, souvent aménagés dans d'anciennes résidences. Quelques suggestions: la Casa Pestagua, qui loge dans une villa du XVIIe siècle qu'on appelait «la plus belle maison de Carthagène» (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] le Tcherassi, superbe exercice de design moderne (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] l'Ananda, très contemporain (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] le Delirio, qui porte bien son nom (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et enfin le Sofitel Santa Clara, qui dispose de plusieurs chambres de style colonial aménagées dans un ancien couvent du XVIIe siècle (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Dans un registre plus modique, le quartier de Getsemani, à l'intérieur des vieux murs, compte de nombreux hôtels pour petits budgets.
-Restauration. Au rayon des restaurants, les adresses qui font saliver sont tout aussi légion. Le San Pedro, sur la place du même nom, est réputé pour figurer parmi les meilleures tables en ville, tout comme La Vitrola, vénérable institution qui présente régulièrement des spectacles de sòn et de boléro cubains. Pour sa part, la Santissima Trinidad propose une cuisine inventive dans un cadre superbe, non loin de la résidence de Gabriel Garcia Marquez — qu'on ne visite pas puisqu'elle lui sert toujours de pied-à-terre.
-Sorties. Pour sortir, ce ne sont pas les bonnes adresses qui manquent. Outre les nombreuses terrasses, Carthagène compte plusieurs boîtes de nuit endiablées, mais aussi un bar particulièrement bien situé sur les fortifications, le Cafe del Mar, et quelques petits bars craquants et authentiques, comme Donde Fidel, grand comme un mouchoir de poche, où les clients observent stoïquement les photos accrochées aux murs ou dansent joue contre joue sur une salsa bien salée.
-Renseignements: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Source: Ledevoir.com