Corse: parcelles de beauté Mylène Moisan, collaboration spéciale
Le Soleil [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Reconnu comme étant un des plus beaux villages de France, Sant'Antonino
est construit en nid d'aigle au sommet d'une montagne.
Photo:Mylène Moisan, collaboration spéciale La Corse, à la fois belle et rude. Un rocher planté dans la Méditerranée, cintré de plages de sable blanc ou de galets, de vertigineux caps, couvert de forêt dense, de châtaigniers et de villages pittoresques. Que ce soit pour se prélasser au soleil, pour battre la semelle sur ses célèbres sentiers ou pour voyager à travers l'histoire, l'île de beauté ne déçoit pas.
La dame est sortie sans faire de bruit avec son panier de lessive. Cheveux noirs, yeux noirs. Elle nous a regardés du coin de l'oeil, a observé quelques secondes notre petit bonhomme, tout heureux d'être sur les épaules de papa. Elle nous a souri.
Il y avait dans ce sourire quelque chose comme un privilège auquel tous les touristes n'ont pas droit. Il faut dire que la dame habite Sant'Antonino, classé comme étant un des plus beaux villages de France, où les touristes se ruent en haute saison, en juillet et août. Il peut y avoir entre 2000 et 3000 touristes à la fois dans cette bourgade médiévale de pas plus de 90 habitants.
Nous sommes allés début octobre, nous étions presque seuls. Peut-être une douzaine de touristes, pas plus, à se perdre dans ce véritable labyrinthe de ruelles de pierre, qui débouchent inévitablement sur une vue imprenable, le charmant village étant un nid d'aigle au sommet d'une montagne, à plus de 500 mètres d'altitude.
Basse saison oblige, la plupart des cafés, des restaurants et des boutiques avaient fermé leurs portes jusqu'à la fin du printemps. Il ne restait en fait qu'un restaurant ouvert, où les rares touristes s'arrêtent le temps de déguster une assiette de charcuterie ou, pour les plus affamés, le menu du jour. Ce jour-là, du sanglier. Le temps était paresseux, le serveur blaguait avec les clients.
Folle saisonNous avons passé 10 jours sur la terre natale de Napoléon, le long de la côte ouest, littéralement prise d'assaut en juillet et août, alors que la planète est en vacances. Partout, les Corses nous ont raconté la folie de la haute saison, les prix qui doublent, les réservations essentielles, presque du tourisme industriel.
«L'été, c'est pour la pépette [l'argent]. Le reste du temps, on peut en profiter», a résumé le capitaine d'un voilier sur lequel nous avons regardé le soleil se coucher sur la citadelle de Calvi. Nous n'étions que cinq à bord, avec notre petit Léonard, 15 mois, et un sympathique couple de jeunes Français. Deux mois plus tôt, le bateau aurait été rempli à pleine capacité. «Il y a même des gens qui se battent carrément pour une place à la marina», a poursuivi notre hôte, un peu déboussolé par ces visiteurs qui se disent en vacances...
De plus en plus de commerçants étirent d'ailleurs la saison, les touristes étant plus nombreux à partager ce secret de moins en moins bien gardé. La plupart des hôtels ouvrent maintenant jusqu'à la mi-octobre, mais peu prolongent au-delà. Pourtant, Dame Nature est clémente tout le mois et la Méditerranée, à plus de 20 degrés Celsius, reste plus que propice à la baignade.
Ça vaut aussi pour mai et juin. En fait, la plupart des guides touristiques disent que ces deux mois sont les meilleurs pour visiter la Corse. Outre la tranquillité, le voyageur a droit en prime à une nature qui s'éveille, à des arbres chargés de fleurs et à un contraste entre le blanc des sommets enneigés et le bleu de la mer. Il devra par contre être un peu plus téméraire pour la baignade, la Méditerranée n'atteignant pas encore le cap psychologique des 20 degrés.
Nous avons posé nos pénates à Calvi, à Porto et à Ajaccio. Si les deux premières destinations sont de sympathiques et attachantes bourgades lovées au fond d'une baie, la dernière, capitale de la Corse, est plus impersonnelle, plus étourdissante. Ce qui nous coûtait environ 100 $ la nuit avec chambre de bains privée et vue sur la mer nous aurait coûté au moins le double à peine deux mois plus tôt.
Pas besoin de réservation dans les restaurants, pratiquement pas pour les expéditions en mer. À Porto, nous avons passé une après-midi complète à siroter bière et limonade, tous seuls dans ce café de bord de plage, pendant que la serveuse était attablée avec des amis. Léonard, lui, s'amusait à passer le balai sur un vieux chien, qui regrettait l'habituelle quiétude de ses farnientes au soleil.
Même chose pour les routes, de périlleux lacets perchés à flan de cap, pas toujours assez larges pour deux voitures. Pour la conductrice québécoise, habituée à nos larges routes en ligne droite, l'absence de circulation était une bénédiction. Le passager a certes une vue imprenable sur le ravin et sur la mer, mais celui qui a les mains sur le volant n'égare pas bien longtemps le regard vers l'horizon. Difficile d'imaginer à quoi peut ressembler la conduite lorsque des dizaines de véhicules et d'autobus se rencontrent dans les chicanes, qui doivent prendre parfois le sens littéral du terme...
Une chose qui ne change pas, qu'on y vienne en haute ou en basse saison, c'est le ravissement qu'on éprouve à chaque instant, peu importe où se posent les yeux. On comprend pourquoi la Corse a été baptisée «l'île de beauté». D'un côté la mer, de l'autre la montagne. Considérant l'été que nous n'avons pas eu au Québec, nous avons passé plus de temps sur les plages, les orteils dans l'eau, à se faire bercer par les vagues de la Méditerranée. Presque toujours sous un soleil de plomb.
Marche en montagneNous n'avons pas osé attaquer ses célèbres sentiers, reliant ses côtes et son coeur, le GR 20 ou le Mare et Monti, comme le font des milliers de randonneurs chaque année. Ces circuits sont d'ailleurs fort bien développés, selon qu'on préfère le camping rudimentaire ou les gîtes douillets. Ceux qui s'y aventurent ont davantage accès à l'âme de ce peuple de montagnes, pour qui la mer n'a longtemps été que la porte des envahisseurs. Les dizaines de tours plantées le long des côtes témoignent encore de cette méfiance légendaire.
Nous avons quand même fait quelques excursions en montagne, dont une dans la vallée du Fango, du nom du cours d'eau qui la traverse. De l'eau cristalline, des piscines amoureusement creusées par la nature, un paysage à couper le souffle. Des heures de plaisir dans une eau beaucoup plus rafraîchissante que la Méditerranée. Parfaite pour nous, trop froide pour le couple d'Allemands que nous y avons croisé.
Incontournable escale s'il en est une, les calanques de Piana, ces formations rocheuses hors du commun comme autant de crocs pointant le ciel. Nous avons choisi au hasard un sentier, qui nous a menés sur un énorme promontoire rocheux, d'où nous avons contemplé la mer de longs moments avant de reprendre la route vers le sud. Encore là, peu de touristes et ce privilège réservé à la basse saison que de savourer en silence les beautés corses.
Scandola la précieuseNous avons failli ne jamais visiter la réserve de Scandola, une réserve marine naturelle exceptionnelle, jalousement préservée par les Corses. Le temps incertain ayant changé l'itinéraire prévu du petit bateau que nous avions réservé, il restait de la place sur un plus gros bateau, plus téméraire. Le soleil nous a vite quittés pour laisser la place aux nuages, puis carrément à l'orage. Tout juste le temps de voguer à travers les caps, sur une mer d'un bleu profond et d'aller se mettre à l'abri à Girolata, village uniquement accessible par la mer.
Je conserve de cette expédition le goût du sel, du vent du large et de la crêpe aux figues dégustée pendant cette escale plus longue que prévue, au son du tonnerre et des conversations animées de notre bande de joyeux naufragés. Je garde aussi bien sûr le souvenir de ces formations rocheuses, malmenées par les vents et les soubresauts millénaires de la croûte terrestre, et de ces chèvres qu'on dirait accrochées au ravin et qui paissent paisiblement sous le regard ahuri des touristes.
Je garde aussi de la Corse le souvenir de ses maisons beiges, pâles, rarement colorées. Une impression d'un pays monochrome, malgré la nature verdoyante et l'omniprésent bleu du ciel. Comme si la rigueur de son histoire en avait terni, ou du moins durci, son peuple.
Repères
Capitale : Ajaccio
Langues : français, corse (en voie de disparition, selon l'UNESCO)
Monnaie : euro
Nombre d'habitants : 294 118
Superficie : 8722 km²
Haute saison : juillet et août
Climat : moyenne de 25 °C de juin à septembre
Température de l'eau : moyenne de 25 °C l'été
S'y rendre : À partir de la côte française, un vol de 55 minutes avec CCM coûte environ 300 $ aller-retour. Des traversiers relient aussi le continent à la côte, à partir de la France ou de l'Italie, et les prix varient selon les options choisies.
Y circuler : Les transports «organisés» ne l'étant pas vraiment, la meilleure option demeure la location d'une voiture. Pour une voiture économique manuelle, nous avons payé 300 euros (près de 500 $) pour 10 jours.
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