Samana, une destination de tout repos André-Philippe Côté, collaboration spéciale
Le Soleil (Québec) Une invitation du bureau du tourisme de la République dominicaine et d'Air Transat tombe sur mon bureau un mardi du mois de mars directement sur un dessin de Kovalev en pantoufles que je viens de terminer. La République dominicaine? Pourquoi pas?
Je fais mes valises en quatre secondes et me réveille, quelques heures plus tard, dans une magnifique chambre d'hôtel face à un paysage de rêve. Un choc terrible en ouvrant les rideaux! Pouf, la neige a disparu! Les érables nus et les sapins verts se sont transformés en palmiers et en bananiers! La voisine ne porte plus 14 chandails sous trois manteaux, elle se promène en bikini! Les souffleuses sont devenues des arrosoirs qui font chlusss-chlusss-chlusss au-dessus d'un bosquet de fleurs. C'est donc réel, je ne rêve pas. Je ne suis pas à Québec à - 9 degrés Celsius. Je suis sous le soleil très exactement.
Premier arrêt : Puerto Plata[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le port de Puerto Plata vu du fort San Felipe. Celui-ci a été construit en
1577 pour protéger la ville des pirates et des corsaires.
Collaboration spéciale, André-Philippe Côté Puerto Plata est une ville plus industrieuse que touristique. Un téléphérique nous amène au sommet du mont Isabel de Torres. L'expédition vaut le détour avec son parc archéologique et son jardin botanique offrant une vue magnifique sur toute la région. Malheureusement, lors de notre visite, un nuage chargé de pluie coiffait la montagne. Ce n'est donc que par de petites trouées qu'on pouvait observer le paysage.
En contrebas, près de la plage, le fort San Felipe, construit en 1577 pour protéger des pirates et des corsaires, nous replonge dans un passé fascinant.
Le musée du rhum et de l'ambre, quant à lui, manque un peu de contenu. Les visites assez courtes se terminent par une dégustation de rhum et de mamajuana, une boisson locale faite d'un mélange de vin, de rhum et d'herbes médicinales. Le mamajuana ressemble un peu au goût du caribou que les carnavaleux de Québec connaissent bien. De plus, je soupçonne que cela devrait produire sensiblement les mêmes effets que le caribou si, par imprudence, on en abuse... À moins que les plantes médicinales qui macèrent dans le liquide aient pour fonction d'annuler la gueule de bois.
Une balade dans les rues du vieux Puerto Plata nous amène dans le quartier haïtien. La pauvreté est criante. La communauté haïtienne souffre encore de discrimination. De retour à l'hôtel, c'est le contraste. Je m'allonge sur une chaise, je ferme les yeux tout en tenant fermement un verre de Bloody Mary. Je me laisse bercer par le chant des vagues, par le cliquetis des branches de palmiers qui s'entrechoquent sous l'effet du vent. Je me laisse envoûter par cette douce mélodie des Caraïbes lorsque j'entends : «Germaine, t'as-tu oublié le kodak à maison, simonak?» C'est vrai, j'oubliais. Puerto Plata, c'est un peu une banlieue du Québec...
Deuxième arrêt : Santa Barbara de SamanaLe trajet jusqu'à Samana offre un aperçu de la diversité sociale du pays; la richesse côtoie la pauvreté, une multitude de petits commerces alterne avec des hôtels de toutes catégories. Par contre, on voit très peu d'habitations qu'on pourrait associer à la classe moyenne.
La route est relativement bonne et notre chauffeur, bien que téméraire, semble assez prudent. Les 220 km se font en quatre heures sous une pluie battante. Les Dominicains affirment que le temps a changé et que les pluies ont augmenté. Ce n'est pas nous qui allons les contredire. Notre sortie en catamaran a été annulée, de même qu'une pause à Sosua pour faire de la plongée. Et nous n'avons pu nous balader dans la jungle pour aller voir des chutes!
Nous arrivons enfin à Santa Barbara de Samana, un petit village de 3000 habitants lové au fond d'une baie. Notre hôtel domine un pic rocheux et offre une vue somptueuse sur le côté sud de la baie.
Ici, tout est fait pour que les journées soient ouateuses et doucereuses. Ce qui étonne surtout, ce sont ces trois petits ponts piétonniers qui relient de minuscules îles inhabitées au pied de l'hôtel. Cette infrastructure serait une oeuvre, un peu inutile à l'époque, commandée par le dictateur sanguinaire Rafael Trujillo, qui régna de 1930 à 1961 sur la République dominicaine. Ces ponts, comme toutes les plages d'ailleurs, sont publics. Mais dans les faits, les Dominicains ne s'aventurent pas vraiment sur les plages attenantes aux hôtels, quand ils n'y sont pas tout simplement chassés par des gardiens.
Samana est un endroit idéal pour une activité prisée des vacanciers : ne rien faire. En effet, ici, ne rien faire est une occupation de tous les instants. L'inaction est une action lente, un geste de statue, un mouvement immobile dans l'air salé du soir.
Le lendemain, petite balade au marché de Samana. J'adore cette intensité des marchés où les bruits, les odeurs, les couleurs se mêlent dans un désordre parfait. Le marché n'est pas très grand, mais en moins d'une heure, il vous emplit d'images puissantes. Fruits étranges, légumes bizarres, légumineuses terreuses, viandes qui se chauffent paresseusement au soleil, boutiques de vêtements, pharmacies, épiceries, galeries d'art... Le tout enveloppé de cris, de klaxons, de nuages des tuyaux d'échappement... Ce petit marché vaut largement la poussière qu'il laisse sur vos sandales.
Troisième arrêt : Las Terrenas Pour atteindre Las Terrenas, il faut traverser la péninsule de Samana à travers les montagnes. La route en lacis est souvent en mauvais état. Notre chauffeur doit fréquemment zigzaguer entre les nids de poule à côté desquels ceux du Québec ont l'air de nids de poussin de Pâques!
Les paysages sont superbes, avec des montagnes d'un vert d'une rare intensité. Les villages sont minuscules, de petits bourgs où certaines habitations, malgré le dénuement, sont coquettes avec leurs teintes roses ou jaunes et leurs porches encadrés de fleurs. Parfois, une façade de maison est illustrée d'une peinture naïve représentant un coucher de soleil, le très beau visage emblématique de Guevara ou encore des femmes aux formes voluptueuses dans des positions provocantes.
Le village de Las Terrenas est conscient de sa valeur touristique. Les boutiques sont variées et offrent parfois du véritable travail d'artisanat. La présence haïtienne se fait aussi sentir à travers les multiples galeries d'art dont certaines présentent des tableaux des meilleurs peintres haïtiens actuels, faisant ainsi contrepoids à celles offrant des tableaux sans inspiration obéissant à trois ou quatre modèles picturaux.
C'est reposé, très reposé que nous faisons notre valise, regardant à travers la porte-fenêtre un paysage de rêve, d'océan, de cocotiers, de bananiers. Notre voyage tire déjà à sa fin. La péninsule de Samana est une destination qui cherche à prendre sa place dans le réseau touristique de la République dominicaine. Si les hôtels sont à la hauteur - on y retrouve restaurants, bars, théâtres, discothèques, piscines, centres de soins de santé, gyms, garderies, courts de tennis, boutiques, etc. -, les possibilités d'activités sont par contre plus réduites. Idéal pour le repos, mais pas vraiment pour l'aventure et la culture.
Source: Cyberpresse.ca